Armel Huet

Professeur, LARES, Sociologie, Rennes 2

Anthropologie réciproque et réduction mythique

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Introduction : les univers vides de la Physique et des Sciences Humaines

Décrire et expliquer sont des actes fondamentaux de l’entreprise scientifique, et en ce sens sont indissolublement liés. Il est impossible d’expliquer un phénomène qui n’est pas identifié et décrit. Et l’identifier c’est déjà le décrire. Mais il est désormais établi que l’on ne peut décrire que ce que l’on perçoit, directement, ou par l’intermédiaire d’instruments d’observation, qui vont donc configurer la description elle-même. Or ce qui caractérise l’activité scientifique c’est qu’elle ne parvient à percevoir et à décrire qu’une toute petite partie de la réalité, même si chaque discipline a fait des avancées au point d’avoir le sentiment d’établir des connaissances déterminantes. Tout un débat a été mené au temps d’Einstein sur la capacité de la physique à donner des explications complètes. Aujourd’hui elle n’a plus ces ambitions, et accepte de considérer que ses connaissances sont bien limitées et même fragiles. Que l’on se reporte à leurs travaux épistémologiques récents, comme à ceux d’Espagnat [1] pour ne citer que lui.

Et les astrophysiciens disent actuellement tout leur embarras à faire avancer la connaissance de la matière par l’analyse de ses éléments sidéraux, puisqu’ils indiquent qu’en dépit des observations et des calculs les plus performants, on ne peut voir que 5% de la matière de l’univers, et qu’entre 70 et 80 % de cet univers échappe assurément pour l’instant à toute possibilité de description. Alors comment étudier et expliquer un univers qui dans son immensité se cache, et qui plus est sous la forme d’anti-matière ? Ou chercher celle-ci pour la décrire quand les instruments les plus sophistiqués comme les accélérateurs de particules et les spectromètres de la dernière génération, malgré leurs résultats, sont loin de faire accéder à cette partie ignorée de l’univers. Alors les physiciens s’emploient à traquer cette partie inconnue et inaccessible de l’univers en l’inventant et en la baptisant « matière noire exotique » ou « énergie noire ». Ils se transforment alors en détectives pour essayer de piéger les « neutrinos » en planquant leurs instruments à 1600 mètres sous terre comme au laboratoire souterrain de Modane, ou bientôt à 2000 mètres sous la surface de la mer au large de Toulon dans le cadre du projet Antarès, mais sans jamais pouvoir percer le secret de l’univers.

J’ai fait ce petit détour par l’astrophysique pour rappeler que les problèmes de la description sont fondamentaux dans les sciences, mais qu’ils sont aussi déterminés par les capacités d’explication, permettant d’inventer des cadres adaptés de la description des objets que l’on veut analyser. On devine alors les difficultés des sciences humaines s’adressant, non à des objets accessibles ou inaccessibles de l’univers naturel, mais à des analysants de la réalité dont ils parlent, qu’ils traitent et fabriquent, qu’ils instituent et qu’ils ordonnent, qu’ils norment. N’a-t-on pas entendu si souvent Jean Gagnepain souligner ces difficultés et en indiquer précisément les perspectives à suivre pour les réduire ?

En même temps, à l’instar de la physique, nous devrons bien reconnaître que, quelles que soient les performances de nos outils d’observation, de description et de nos modèles d’analyse, nous n’accéderons qu’à une partie minime de l’aventure humaine. La plus grande partie nous échappe et nous échappera. Et les découvertes ne font que faire entrevoir qu’on ne parvient jamais à faire le tour de ce que l’on veut connaître, car ici c’est le processus rationnel même qui détermine un univers infini. Nous devons donc, de mon point de vue, nous libérer de cette illusion que nos modèles explicatifs, quelles que soient la qualité rationnelle de leur construction, nous assurent d’une capacité exemplaire d’explication.

Il me semble que, si voulons faire notre travail correctement, il nous faut admettre cette relativité de notre puissance scientifique, tout en l’exploitant à fond, pour éviter à la fois de tomber dans un relativisme désabusé ou négateur en fin de compte du travail scientifique lui-même, ou soulager nos incertitudes intellectuelles et existentielles par une adhésion sans mesure à une théorie à laquelle nous accorderions une confiance totale. L’une et l’autre attitude, comme nous l’a expliqué Jean Gagnepain, dans ses séminaires, n’aboutissent qu’à une forme de totalitarisme, et entraînent cette perversion de la pensée, contre laquelle Nietzsche mettait en garde .

Un autre enseignement que nous livrent les sciences physiques c’est la résistance apportée à la description et l’explication par l’univers lui-même, et qui oblige l’une et l’autre à décupler leurs efforts pour améliorer leurs théories et leurs instruments d’investigations, mais aussi à n’expliquer que ce qu’ils peuvent décrire, et à ne décrire que ce que leurs modèles leurs permettent d’entrevoir et de configurer. Autrement dit, les sciences de la nature se privent de l’envie de dire, pour ne dire que ce qu’elles peuvent établir, démontrer et vérifier. Est-ce bien le cas dans les sciences humaines ?

I - L’acte sociologique : dire, expliquer et éclairer

1. L’invasion de l’information et l’explication par le commentaire

Ce qui est frappant dans notre discipline aujourd’hui et plus généralement dans les sciences humaines, c’est que nous sommes envahis par les informations qu’elles apportent sur une foule de questions qu’elles ne cessent de poser et sur lesquelles elles ne cessent de rebondir de commentaires et d’analyses, au point que l’on pourrait considérer que presque tout est dit sur presque tout, que toutes les approches ont été mises en œuvre, et que l’activité scientifique n’est plus qu’une affaire d’extension, imposée par le déroulement de l’histoire et à la mesure des crédits alloués.

Si nous apportons des explications à tout, cela vient du fait que nous considérons que les faits et les données recueillies parlent d’elles-mêmes, et qu’en nous abritant derrière les théories auxquelles nous recourons pour les interpréter, nous réunissons toutes les conditions de la construction scientifique, donc de l’explication. Mais cela vient aussi du fait que, partisans d’un modèle, nous lui accordons souvent une fiabilité totale dans la capacité à parler de tout et à tout expliquer. Ou encore nous sortons notre boite à outils de théories et de méthodes pour élaborer des explications ad hoc.

Informations nourries d’une abondance exponentielle de données, commentaires argumentés et éclairés des théories légitimes en cours sont les socles, les paramètres constitutifs de l’explication scientifique, dès lors que celle-ci est garantie, validée par les institutions ad hoc. Et la difficulté à expliquer les phénomènes sociaux, les variétés des situations autorisent finalement la pluralité des modèles explicatifs, non pour les confronter, mais pour les accepter dans un univers où toutes les explications reconnues par la discipline se valent, même si les unes ou les autres l’emportent, selon les époques, par leur prestige, leur influence ou encore les positions de pouvoir de leurs défenseurs.

Ainsi tout compte fait, nous ne disons trop souvent que ce que nous avons envie de dire, même si nous prenons la précaution d’appuyer ce que nous disons sur des informations solides, mais dont la qualité, il faut bien l’admettre, est évidemment dépendante de nos cadres descriptifs et explicatifs, ou sur des théories reconnues mais qui nous conduisent souvent, dans les descriptions que nous faisons et dans les explications que nous donnons, à les justifier, ou les illustrer, où à nous justifier nous-mêmes, dans notre démarche constitutives de notre position d’intellectuels, de distinction de notre état, de notre métier, de notre propos.

C’est pourquoi, pour contrôler ce que nous faisons, en prétendant produire des connaissances scientifiques, nous ne pouvons éviter la question de ce qui peut nous résister dans nos entreprises descriptives et explicatives. C’est la question que je me suis souvent posée dans mon propre travail, d’autant plus que je suis constamment irrité, dans ce milieu prétentieux qu’est celui des sociologues, par le prêt à penser, l’autosatisfaction, ou encore par assurance dans l’analyse, nourrie par une culture de l’Aufklärung.

2. L’anachronisme de l’Aufklärung

Révulsé par cette logomachie explicative de nos milieux intellectuels, j’ai acquis aussi la conviction, mais peut-être ai-je tort, que nos blocages actuels pour ne pas dire notre obscurantisme tient à ce que notre activité scientifique est habitée, inspirée par une foi surannée et même cynique dans notre culture de l’Aufklärung. Par nos sciences, nous appartenons, que nous le voulions ou non, à ceux qui s’octroient le pouvoir d’éclairer le monde et d’orienter ainsi la conduite de l’histoire. Même après Nietzsche, nous avons peu réfléchi à cette question. Et nous sommes bien heureux tout compte fait de profiter de cette situation et de cette croyance mythique. Mais si nous disposons de la lumière, où la prenons-nous ? Sommes-nous des messies qui la possèdent en eux-mêmes, ou des prophètes qui, après avoir sué dans le désert de la pensée, sont parvenus à comprendre l’essentiel ?

Cette culture de l’Aufklärung est facile à expliquer historiquement, de même que sa contribution à la raison scientifique. Mais aujourd’hui pouvons-nous continuer à jouer à ce petit jeu du savant éclairé et éclairant ? Ne pouvons-nous pas admettre que la lumière est dans le monde, produite par nos semblables et que nous n’en détenons que la part que nous pouvons leur prendre ? Nous pouvons, par notre métier, la concentrer et la refléter, et lui donner un éclat qu’elle n’a pas de par sa dispersion, diriger quelques uns de ses faisceaux sur des zones obscures. Mais pouvons-nous continuer à pousser jusqu’au cynisme cette culture de la conscience éclairée ? Les sciences humaines que nous pratiquons ne sont-elles pas parvenues finalement à nous aveugler de leurs lumières au point de réduire notre capacité à discerner le monde que nous voulons observer, décrire et expliquer, et à nous complaire dans le statut qu’elle nous autorise ? Je partage volontiers, pour ma part, ce point de vue de Peter Sloterdijk qui nous dit que « nous n’avons que le choix entre un pessimisme loyal des origines qui fait penser à la décadence, ou un irrespect serein dans la poursuite des tâches originelles. Au point où en sont les choses, ajoute-t-il, la fidélité envers l’Aufklärung ne se trouve plus désormais que dans l’infidélité » [2]. On croirait entendre Jean Gagnepain.

Si nous sommes dans le pétrin, si notre cynisme intellectuel reste embourbé par notre cynisme social, cela ne provient-il pas de ce que nous posons nous-mêmes nos propres conditions aux investigations et aux analyses que nous effectuons, sans prendre en compte, comme il conviendrait les lumières de ceux que nous analysons, en l’occurrence dans notre métier de ceux que nous enquêtons, en évacuant ou en contournant les résistances qu’ils nous opposent ? Mais comme ils sont, tout compte fait, objets de nos analyses, nous faisons souvent « une anthropologie en l’absence de l’homme », pour reprendre le titre d’un grand livre de Fernand Dumont [3], Nous pouvons faire ainsi une science sans résistance. C’est donc cette résistance qu’il faut élaborer.

Dans notre métier elle est mise en œuvre principalement par l’enquête, sous les diverses formes que celle-ci peut prendre aujourd’hui. C’est précisément à cette question de l’enquête qu’il faut réfléchir et voir comment celle-ci peut être élaborée et réalisée dans le processus même de construction des connaissances. Et il ne suffit pas de s’intéresser à son contenu, ses méthodes et à ses résultats, autant d’objets de chipotages et de controverses dans les milieux des pairs. Car même si cette résistance est bienvenue, elle consiste généralement à confronter des opinions, à souligner des manques, etc. Mais cette résistance n’est pas à l’œuvre dans le processus même de construction des connaissances. D’ailleurs le plus souvent, leur enquête effectuée, les sociologues font leur travail d’organisation et d’interprétation des informations recueillies, sans retourner voir leurs enquêtés. Et je ne parlerai pas ici, car ce serait trop long, des limites et des illusions apportées par les méthodes d’enquête sur l’objectivité des informations recueillies. C’est assez caractéristique, je trouve pour ma part, de la sociologie académique actuelle.

3. La résistance par l’anthropologie réciproque

Si nous voulons donc faire avancer la réflexion sur le statut de l’explication, ne devons-nous pas justement examiner comment dans sa logique même, dans les manières dont elle se valide, dans le contexte social où elle se construit, dans la relation établie avec les interlocuteurs enquêtés, et dans les normes qu’elle se donne, nous pouvons construire les résistances, à toutes les phases de l’enquête, à sa construction et à ses propositions ?

C’est ce défi que j’ai proposé à mes collègues du LARES, au début des années 1990, à travers ce que j’ai appelé, à tort ou à raison, l’anthropologie réciproque, pour prendre en compte cette double obligation de se donner de la résistance à ce que nous faisons, et de mettre à profit les capacités explicatives de ceux que nous rencontrons et avec lesquels nous échangeons. Certes nous faisons cela dans le contexte de bricolage que nous impose l’exercice de notre métier, et en étant loin d’avoir poussé la réflexion et l’expérimentation comme il conviendrait. Mais prenons cela comme une voie possible, comme principe à la fois heuristique et opérationnel, comme voie intéressante de la démarche scientifique en sociologie, et de validation de ses modes explicatifs, en fin de compte comme mode contrôlé sur les quatre plans des conditions de la production de connaissances sociologiques.

Dans la première des rencontres de Monteneuf en août 2003, j’ai présenté très succinctement et même très superficiellement pourquoi et comment j’en étais venu à proposer cette démarche d’anthropologie réciproque Nous avons fait un bon nombre de travaux dans cet esprit. Mais nous ne sommes pas vraisemblablement allés encore très loin, la résistance à explorer cette voie provenant de nous-mêmes. Disons le simplement, des collègues se sont attachés à expérimenter cette démarche, d’autres ne peuvent s’y faire. Et je comprends leurs hésitations ou refus. Et puis, les conditions de notre activité universitaire nous laissent si peu de temps pour discuter de ce que nous faisons.

Je ne peux présenter ici, comme il conviendrait, ne serait-ce que sous forme de rappel, les principes, les expériences, et les démarches de l’anthropologie réciproque. Je voudrais dire que je ne la considère pas comme une trouvaille, notamment pour les partisans de la Théorie de la Médiation, car elle s’y fonde pleinement, de mon point de vue. En effet si nous effectuons, en sociologie comme dans les sciences humaines en général, l’analyse de l’analyse, nous analysons donc des analysants, et qui analysent aussi nos propres analyses, ne serait-ce qu’à travers les questions que nous leur posons ou les observations auxquelles nous les soumettons, et qui donc se déterminent par rapport à elles. Nous sommes d’emblée dans une relation de réciprocité avec ceux dont nous analysons les dire, les productions, les activités, etc. Il me semble qu’il y a mieux à faire que d’occulter ou d’escamoter la réalité de cette relation, en nous efforçant d’en tirer tout le profit par la « résistance » de ceux auprès desquels nous venons chercher de l’information sur ce qu’ils pensent de tels phénomènes, sur leurs diverses activités, sur ce qu’ils fabriquent, sur ce qu’ils instituent, sur ce qu’ils régulent, sur leurs projets, etc.

Avant d’esquisser des propositions sur les conditions de l’anthropologie réciproque au premier plan de la modalité logique de la raison, quelques mots encore sur la description et l’explication en sociologie.

II - La description et l’explication en sociologie

1. La description

La description est au cœur de la démarche sociologique. Pourtant ce qui est le plus surprenant, c’est qu’elle ne fait pratiquement jamais l’objet de débat et d’effort de définition. Si vous consultez des dictionnaires de sociologie, vous ne la trouverez pratiquement dans aucun index ou sinon vaguement évoquée dans les rubriques sur l’observation. Seuls les ouvrages et dictionnaires d’anthropologie s’y intéressent, mais en l’intégrant également dans la question de l’observation. Michel Bozon évoque assez bien le sort qui est fait en sociologie à la description. « La description des faits, dit-il, et la constatation des résultats n’interviennent qu’au terme d’un processus empirique et théorique, qui a produit une interrogation de la réalité. L’observation est inséparablement processus et résultat » [4]. Cette confusion entre observation et description est quasi absolue dans notre discipline. L’une et l’autre ne sont généralement définies qu’à travers les méthodes et techniques qui les rendent possibles, les théories qui permettent leur objectivation et interprétation, les conditions sociales dans lesquelles elles s’exercent, ou parfois à l’occasion des mises en garde sur les systèmes de valeur qui les perturbent, mais jamais à partir de leurs processus logiques. C’est donc un enjeu majeur, car la description et l’explication restent ainsi d’ordre sociohistorique. On décrira et expliquera les phénomènes que nous étudions par leur seule inscription dans l’histoire. Autrement dit, on expliquera l’histoire par les modes de description et d’explication qu’elle se donne. C’est une manière de procéder, mais, si elle est unique et dominante, c’est aussi un piège.

2. L’explication

Si l’on voulait résumer, sans doute de manière excessive, le traitement actuel de l’explication en sociologie, on pourrait dire qu’il est marqué par une rupture entre la réflexion théorique et épistémologique et la production des analyses empiriques. Du coup quelle que soit la qualité des travaux de part et d’autre, la question de la spécificité scientifique de l’explication sociologique à mettre en œuvre dans la production des connaissances est souvent escamotée. Depuis quelques décennies l’essor de la sociologie a entraîné simultanément une extension effrénée de ses objets, qui n’a fait que renforcer cette rupture. Quand ainsi vous lisez les ouvrages actuels, mais surtout les thèses, vous ne pouvez qu’observer cette séparation entre d’une part l’explication empirique qui se fonde sur elle-même, et dont la bonne facture des données recueillies et des interprétations suffit à fonder et garantir l’explication, et d’autre part les théories qu’elles invoquent, auxquelles ces travaux se réfèrent et dont ils empruntent le vocabulaire pour justifier de leur scientificité et de leur légitimité dans le champ académique, mais qui souvent ne contribuent pas à valider les explications proposées. Cette rupture est même généralement justifiée par cette sacro-sainte différenciation entre recherche fondamentale et recherche appliquée.

Le statut de l’explication n’a cessé et ne cesse d’être débattu en sociologie. Ce débat a été principalement inauguré par la controverse entre d’une part les positivistes français, comme Durkheim, récusant toute distinction des sciences humaines des sciences de la nature, si ce n’est la distinction d’objet, et d’autre part le courant dualiste allemand, inspiré par Dilthey et sa méthode herméneutique, et soutenant avec Weber et Simmel que les sciences humaines pouvaient expliquer, c’est-à-dire établir la cause des phénomènes, mais qu’elles devaient avant tout se consacrer à restituer le sens des phénomènes sociaux, autrement dit, en ce qui concerne notre discipline, faire de la sociologie compréhensive. Même si l’on ne peut se satisfaire aujourd’hui de ce paradigme qui à son tour a réifié l’approche sociologique, Weber et Simmel ont au moins incité à la rupture avec l’option positiviste établie, et ouvert la voie à une interrogation sur la spécificité de l’explication en sociologie et plus largement en sciences humaines. Les sociologues de ce que l’on a appelé l’École de Chicago reprendront cette perspective [5]. En France, on connaît le sort qui sera fait à cette orientation proposée par Weber et Simmel, qui resteront longtemps ignorés de la sociologie hexagonale, au moins jusqu’aux années 1960, malgré les efforts de Raymond Aron suscitant l’intérêt pour la sociologie allemande et notamment pour la sociologie de Max Weber. On peut dire qu’en France après Durkheim, le positivisme configure la pensée sociologique, au delà des nuances, de la variété des travaux empiriques, et parfois de réelles interrogations ou même de la recherche d’autres voies comme dans l’œuvre de Marcel Mauss.

C’est Lévi-Strauss qui dans les années 1960 relance le débat sur la spécificité de l’explication en sciences humaines en ouvrant avec le structuralisme une autre voie en anthropologie et sociologie rendant compte des phénomènes sociaux par leurs structures définies comme des totalités cohérentes formées par les éléments qui les composent et qui sont étroitement solidaires entre eux. A partir des années 1970, le succès et la domination du marxisme et du fonctionnalisme sont contestés par le doute envers les grandes modèles et font place aux grandes théories de l’histoire de la sociologie, notamment le culturalisme, la sociologie compréhensive, l’interactionnisme, l’individualisme, le constructivisme, sans oublier l’influence de la sociologie de Bourdieu et de ses disciples, tenant une place à part. Toutes ces théories, dont l’inventaire n’est pas complet, viennent élargir la panoplie explicative de la discipline. Seul le pragmatisme fondé par Dewey et Pierce va pratiquement rester inconnu. Si l’on peut présenter entre une quinzaine ou une vingtaine de théories, selon les modes de classement, Bernard Valade considère qu’on peut les réduire à deux types d’explication, holiste et individualiste [6].

Du point de vue de l’explication, ce qui alors est mis en cause par l’essor de ces théories c’est le déterminisme par le social ou les structures invisibles que portaient les grands modèles et ce qui est prôné, c’est principalement l’explication par le contexte singulier, par la situation et par le rôle des individus qui, par leur interaction, construisent la société. Tout le monde n’est pas d’accord évidemment sur ce qui est à rejeter. Anthony Giddens par exemple, avec une attitude aussi carrée que celle de Tony Blair, dont il aurait, parait-il, été conseiller, se donne comme programme « la destruction de ces deux empires que sont d’une part les sociologies interprétatives reposant sur un impérialisme du sujet individuel et d’autre part le fonctionnalisme et le structuralisme affichant un impérialisme de l’objet sociétal » [7] pour leur substituer une théorie de la structuration. Mais il faut préciser que Giddens « tient pour acquis que l’explication est contextuelle et consiste en l’élucidation d’interrogations » (p. 29), ce qui le conduit dans son ouvrage, La Construction de la société, à contourner la question du processus explicatif à l’œuvre dans l’analyse sociologique. Néanmoins quels que soient les points de vue, ils ont en commun de vouloir substituer à la macrosociologie des grands modèles une microsociologie des situations, expliquant les phénomènes sociaux par le rôle des individus (qu’on appelle encore des acteurs), dans la structuration de ces situations. Ainsi pour Garfinkel et son ethnométhodologie, l’explication n’est pas à rechercher du côté des forces sociales cachées derrière les acteurs et les déterminant, mais dans la situation présente et locale. Habermas leur reprochera de vouloir expliquer les contextes d’action de manière causale et donc d’instaurer un nouveau réductionnisme [8]. Plus récemment, Jean-Michel Berthelot a exposé largement les différentes facettes et expressions traditionnelles et actuelles de ce débat, mais essentiellement sous forme pédagogique, en faisant toutefois ressortir les difficultés et les questions en suspens [9]. Il n’y a pas lieu ici de poursuivre la présentation de ce débat. Mais ce que je viens de rappeler ne fait que démontrer la vivacité, dans notre discipline, de cette question de l’explication et la nécessité des pratiquants de la Théorie de la Médiation de s’y engager pleinement s’ils se sentent capables d’y apporter de nouvelles lumières.

On voit l’embarras que révèlent ces différentes approches de l’explication : elles sont prises d’emblée dans la reconnaissance établie de la dichotomie entre le social et l’individu, même s’il faut reconnaître les efforts accomplis pour en réduire les effets et tenter de les articuler, mais elle demeure un blocage prégnant. Mais surtout on ne peut qu’observer la difficulté à dissocier le déterminisme social et le déterminisme logique, l’analyse historique de l’analyse logique, la sociologie de l’axiologie. Néanmoins reconnaissons qu’il n’y a pas que la Théorie de la Médiation à considérer que c’est le modèle théorique qui est explicatif, c’est aussi le point de vue dominant dans notre discipline. Ce qui est en jeu aujourd’hui c’est la mise au point de nouveaux modèles, libérés de la doxa établie, qui rendraient mieux compte de l’histoire en cours, de ses réalités, de ses mutations et des problèmes qu’elle pose, sachant que ces nouvelles lumières possibles impliquent des ruptures significatives à la fois avec l’explication historique et politique qui la constitue depuis ses origines, ainsi qu’avec l’axiologie qui fixe les horizons des modèles de société qu’elle désire et configure sa critique des sociétés existantes, ce qui ne peut se faire sans imaginer de nouveaux modes d’expérimentation et de vérification. C’est un immense chantier. Mais c’est le prix d’un nouveau crédit de son ambition et de ses propositions scientifiques.

III - L’explication scientifique et la réduction mythique

1. Le mythe est constitutif de la description et de l’explication sociologique

Nous savons que c’est le propre de la raison humaine d’expliquer et de s’expliquer. Par notre langage, nous ne cessons de causer l’univers et en même temps de le causaliser. Qu’est-ce qu’expliquer ? Et qu’est-ce qu’expliquer scientifiquement ? Si l’on s’en tient à son étymologie, « explicare », « déplier », et à ses plus fréquentes exploitations polysémiques, c’est dialoguer pour dire, commenter, éclairer, faire comprendre, justifier etc. ce qu’on a à dire, ce qu’on veut dire, faire, être, et ce qu’on veut.

En ce sens l’explication scientifique fait tout cela, elle n’arrête pas de déplier ce qu’elle veut montrer et démontrer. Mais elle est autre chose. Mise en œuvre de la raison humaine, il convient de définir de quelle manière celle-ci parvient à un niveau de performance scientifique. Nous sommes d’emblée dans le mythe, dans ce mode de pensée qui contribue à constituer notre univers de réalités. En s’attachant à expliquer cet univers de réalités et ses représentations et interprétations, la sociologie est d’emblée doublement dans la logique et dans l’emprise de la pensée mythique. D’une part en étant pétrie de la culture moderne qui donne toute priorité au langage comme seul mode constitutif de la raison, elle se livre, pour construire et analyser ses objets à ce que le monde dit de lui, de ses pratiques, de son histoire et de ses valeurs, et elle se condamne ainsi à rendre compte mythiquement de l’univers déterministe du mythe. D’autre part en causant du monde, de ses phénomènes qu’elle veut causaliser, donc établir les déterminismes, les nécessités, les sens, elle ne peut rien faire d’autre en réalité que de les y introduire, et de les formaliser par la rhétorique qu’elle produit sur lui. Si elle ne se déprend de cette performance mythique, elle risque donc d’aller jusqu’à la croyance puissante dans la capacité totale de ses explications. Elle sera prise alors au piège du formalisme, du monisme de ses représentations, et, si elle ne s’en sort pas, à l’aporie absolue, c’est-à-dire au totalitarisme de sa pensée. J’y verrais là volontiers l’explication de la guerre qui fait fureur aujourd’hui dans les milieux et les départements de la sociologie où règne un tel totalitarisme des points de vue qu’il n’y a pas d’autre solution que de s’entretuer, puisque l’analyse mythique a sa propre cohérence et qu’elle ne peut supporter le dialogue et la réinterprétation qu’au prix de sa dissolution.

L’explication sociologique participe donc de la construction mythique de la culture de son temps et de son univers institutionnel en même temps qu’elle contribue à l’élaborer, et en la disant, à la rendre explicite. Il faut alors admettre qu’en tant que sociologues, nous sommes d’emblée, par l’exercice logique de notre raison, dans la pensée mythique, et que précisément notre entreprise scientifique va consister à tenter à la fois de l’exploiter, de la contrôler, pour travailler à la réduire. C’est pourquoi je parlerais de réduction mythique, comme enjeu de l’activité scientifique sociologique et de ses modes d’explication. En sachant que cette réduction mythique est double, puisqu’elle consiste à élucider la réalité mythique de l’expression sociale, et à réduire sa propre représentation mythique du monde. Et en sachant aussi que cette réduction n’est jamais aboutie et qu’elle ne peut l’être sous peine de nier une dimension constitutive de la réalité sociale. En même temps cette réduction est possible puisqu’elle est inhérente à la capacité de la raison même de se déprendre de ce qu’elle instaure comme réalité. La performance mythique ne peut d’autre part être considérée comme une expression en soi, séparée et séparable de la performance scientifique. Il n’y a pas deux modalités logiques de la raison, mais une seule. C’est par ses performances qu’elle se différencie et se distingue en pensée mythique ou pensée scientifique. C’est son processus logique qui lui donne sa double capacité à raisonner, à expliquer le monde en le causalisant, en le déterminant par le langage, c’est-à-dire par les mots par lesquels il le décrit et l’ordonne, et donc à produire du mythe, ou en soumettant le langage à la réalité qu’il décrit, et en réduisant autant que possible le sens des mots au seul sens qui permet d’instaurer un ordre compréhensible scientifiquement de la réalité.

2. Pensée mythique et pensée scientifique chez Lévi-Strauss

Le premier à établir clairement cette relation entre l’expression mythique et l’expression scientifique de la pensée a été Lévi-Strauss. Dans son célèbre chapitre de La Pensée Sauvage [10], « La science du concret », il reconnaît en effet les capacités scientifiques de la pensée mythique. « On objectera, dit-il, qu’une telle science ne peut guère être efficace sur le plan pratique. Mais précisément, son premier objet n’est pas d’être pratique. Elle répond à des exigences intellectuelles, avant ou au lieu, de satisfaire ses besoins. La vraie question n’est pas de savoir si le contact d’un bec de pic guérit les maux de dents, mais s’il est possible, d’un certain point de vue, de faire aller ensemble le bec de pic et la dent de l’homme (congruence dont la formule thérapeutique ne constitue qu’une application hypothétique parmi d’autres) et, par le moyen de ces groupements de choses et d’êtres, d’introduire un début d’ordre dans l’univers ; le classement, quel qu’il soit, possédant une vertu propre par rapport à l’absence de classement ».

« Cette exigence d’ordre, nous dit Lévi-Strauss, est à la base de la pensée que nous appelons primitive, mais seulement pour autant qu’elle est à la base de toute pensée ». C’est pourquoi Lévi-Straus fait remarquer que « ce souci d’observation exhaustive et d’inventaire systématique des rapports et des liaisons peut aboutir parfois à des résultats de bonne tenue scientifique ». C’est ce que nous faisons le plus souvent en sociologie, en restant, dans nos analyses, sous l’emprise mythique, du moins partiellement.

Mais en même temps qu’il nous conduit à reconnaître cette potentialité scientifique de la pensée mythique, Lévi-Strauss nous demande instamment de bien la distinguer de la pensée scientifique. Il rejette en effet la thèse vulgaire, c’est son expression, selon laquelle la pensée mythique (et ses formes pratiques magiques) serait une forme timide et balbutiante de la science, car on se priverait de tout moyen de la comprendre. « Elle n’est pas, dit-il, un début, un commencement, une ébauche, la partie d’un tout encore non réalisé ; elle forme un système bien articulé ; indépendant, sous ce rapport, de cet autre système que constituera la science ». Aussi au lieu d’opposer pensée mythique et pensée scientifique, Lévi-Strauss nous dit « qu’il faut les mettre en parallèle, comme deux modes de connaissance inégaux quant aux résultats théoriques et pratiques (…) mais non par le genre d’opérations mentales qu’elles supposent ». Nous ne pouvons qu’être d’accord avec Lévi-Strauss, qui, même s’il le dit différemment, et dans un autre contexte, ne dit pas là autre chose que ce que nous disons lorsque nous définissons la pensée mythique comme un processus logique de la raison qui saisit la réalité en la causant et qui la fait coller aux mots qu’elle a pour la catégoriser, l’ordonner et lui donner un sens.

Si l’on admet, comme nous venons de le voir, que la démarche scientifique dans notre discipline, la sociologie, ne peut que relever d’emblée de la pensée mythique, qu’elle ne peut y échapper, qu’elle peut même s’y conforter (c’est selon), par la rationalité de sa rhétorique et par un empirisme naïf, l’enjeu sur le plan scientifique, est de travailler à réduire son emprise (même si nous devons être conscients que celle-ci ne sera jamais que très partielle), en exploitant autrement notre capacité de raisonner logiquement le monde, c’est-à-dire en nous imposant de rendre compte des réalités à partir des catégories définies qui en contrôlent et ordonnent la description et réunissent les conditions de son explication.

3. Toute raison humaine est capable de pensée scientifique

Mais il nous faudra admettre aussi que le sociologue ne peut être seul à expliquer scientifiquement le monde, puisqu’il n’est évidemment pas seul à le décrire, à en parler pour le rendre compréhensible, pour le rendre explicable. Et dans la mesure où dans leurs descriptions, les humains s’efforcent d’être précis dans les termes qu’ils utilisent, dans la mesure où ils les font correspondre aux réalités qu’ils vivent ou qu’ils observent, ils se libèrent également de la vision mythique des choses et participent ainsi à leur explicitation scientifique, même si elle n’est pas systématisée, étant donné qu’ils n’en font pas leur métier. L’expression mythique de toute activité rationnelle ne condamne personne à la réification totale de ses performances. Tout un chacun est à même de prendre quelque distance et d’opérer quelque rupture avec ses représentations mythiques du monde. Tout un chacun ressemble à ces Grecs qui tout en croyant à leurs mythes se donnaient aussi les moyens de comprendre autrement leur monde, comme l’a si bien montré Paul Veyne dans son ouvrage intitulé précisément Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? [11]. En exploitant les conditions d’échanges de leur époque qui ont favorisé l’accès à la pluralité de mondes de réalités et donc à d’autres représentations, ils ont pris les mythes pour des explications orales qu’il fallait relativiser et dépasser par l’enquête, obligeant à prendre en compte la diversité de la réalité, et à l’expliquer autrement. Ils ont élaboré ainsi une des premières sciences humaines. C’est par l’enquête, qui n’était alors que la description des autres que les Grecs ont ainsi ouvert une voie à la science de la société, une science de l’histoire. Il faut rappeler d’ailleurs que l’enquête, en grec, se dit historia. Finalement l’enquête a été chez les Grecs une des formes de résistance aux représentations qu’ils se faisaient du monde.

4. L’anthropologie réciproque comme modalité de la réduction mythique

Nous sommes bien au cœur de l’explication comme processus de l’analyse scientifique. Celle-ci ne peut s’élaborer sans la résistance de la réalité. La Théorie de la Médiation trouve cette résistance dans la clinique. Nous sommes nous aussi confrontés aux pathologies des personnes dans nos travaux. Mais la clinique n’est pas notre pain quotidien. Nos travaux pratiquent essentiellement l’enquête, et ses diverses formes qu’elle a prises aujourd’hui, lorsqu’on fait des expertises, des évaluations, des accompagnements de projets, etc. C’est donc l’expression de la logique des acteurs qui s’oppose à l’analyse que nous en faisons. Nous ne pouvons nous contenter de faire l’analyse de leur analyse, sans accepter que celle-ci nous résiste, avec ses tensions entre sa propension mythique et son effort d’objectivation, qui peut donner lieu à des points de vue scientifiques. Nous ne pouvons prendre les analyses de ceux que nous analysons comme des analyses a priori inférieures aux nôtres ; elles sont seulement différentes et si leur élaboration systématique ne relève pas d’un métier, cela ne les empêche pas d’y parvenir.

Il faudrait de la même manière, au plan II, examiner comment par la vérification, qui n’est pas à elle seule une garantie suffisante de scientificité, comme on le voit par exemple dans le méthodologisme, nous inventons les conditions de la sécurité de nos explications.

En guise de conclusion

1. En analysant des problèmes, des évènements, des situations, etc. nous analysons notre semblable dans l’histoire à laquelle il participe, mais nous y mettons aussi notre histoire. La critique de l’ontologie politique de la sociologie qui analyse l’histoire par l’histoire ne suffit pas. Il nous faut aussi prendre en compte la réalité instaurée par l’explication historique.

2. L’anthropologie réciproque s’inscrit dans la diversité de pratiques de la sociologie qui a fait éclater quelques dichotomies tenaces entre théorie et études, pratiques, etc.

Vous savez qu’au LARES, nous avons systématisé une synergie systématique entre la recherche, telle que nous l’entendons ici, les études qui ont pour finalité d’éclairer scientifiquement une question conjoncturelle, en même temps que de répondre à une demande sociale, des évaluations, du conseil même et de la formation extra-universitaire.

Nous avons ainsi distingué la sociologie comme mode de production scientifique, la socionomie comme mobilisation de la production et de la connaissance scientifique dans les pratiques des acteurs de la cité, la sociotropie comme appropriation de la sociologie dans la modification des pratiques des métiers, et la sociodicée comme intervention dans le débat social.

Nous avons découvert qu’il était erroné de privilégier le savoir scientifique, que c’est un savoir spécifique et irréductible, mais qu’il ne peut se substituer aux autre savoirs, qu’il se doit au contraire les rencontrer, se confronter à eux, et donc mieux les connaître, les comprendre. Cette longue confrontation avec les acteurs de la société donne une vision souvent radicalement différente de la construction de la réalité que font les sciences humaines avec leurs approches, leurs postures, leurs visions et leurs méthodes d’investigations traditionnelles Il y a à spécifier l’anthropologie réciproque en fonction de la distinction que nous faisons entre sociologie, socionomie, sociotropie et sociodicée, et les quatre figures correspondantes de sociologue, ainsi que les définitions spécifiques des configurations sociales que cette distinction implique.

3. Dans les conditions sociales actuelles, le rôle de l’expertise dans le recueil et l’analyse d’informations et la production de connaissances, dans la mise à l’épreuve de ses hypothèses a pris une grande part. L’expertise qui relève de la socionomie est une occasion de résistance des acteurs sociaux.


Notes

[1D’Espagnat, Une certaine réalité. Gauthier Villars, 1985. Penser la science.

[2Peter Sloterdïjk, Critique de la raison cynique. Frankfurt : Suhrkamp Verlag, 1983. Chritian Bourgeois, 1987, pour la traduction française.

[3Fernand Dumont, L’anthropologie en l’absence de l’homme. Paris : Puf, 1981.

[4Michel Bozon, « Observation », pp 141-142. in Dictionnaire de Sociologie, sous la direction de Raymond Boudon, Philippe Besnard, Mohamed Cherkaoui, et Bernard- Pierre Lécuyer. Paris : Puf, 1989.

[5Je renvoie à ce sujet à ma thèse d’État, La Raison urbaine, où j’explore cette question.

[6Bernard Valade, Introduction aux Sciences Sociales. Paris : Puf, 1996, et aussi « De l’explication dans les sciences sociales : holisme et individualisme », in Jean-Michel Berthelot, Épistémologie des Sciences Sociales. Paris : Puf, 2001.

[7Anthony Giddens, La constitution de la société. Cambridge 1984, Paris : Puf,
1987.

[8Jürgen Habermas, Logique des Sciences Sociales et autres essais. Frankfurt : Suhrkamp Verlag, 1982. Paris : Puf, 1987.

[9Jean-Michel Berthelot, Épistémologie des Sciences Sociales. Paris : Puf, 2001.

[10Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage. Paris : Plon, 1962.

[11Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Paris, Éditions du Seuil, 1983.


Pour citer l'article

Armel Huet« Anthropologie réciproque et réduction mythique », in Tétralogiques, N°17, Description et explication dans les sciences humaines.

URL : https://www.tetralogiques.fr/spip.php?article241