Michael Herrmann

Université de Trèves

La propriété de la proposition

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En rapprochant les concepts de proposition et de propriété, l’exégète de Jean Gagnepain est nécessairement conduit à étudier, dans Du Vouloir Dire, les rapports entre les trois parties du sous-chapitre intitulé « Pour un traité de la désignation » et couramment appelé rhétorique médiationniste ou théorie de la performance glossologique. Il s’agit donc de replacer la partie II (« Mécanismes de l’énoncé »), particulièrement les considérations sur la proposition, dans le double contexte des parties I (« Référence et propriété ») et III (« Sens et causalité »).

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Comme tous les concepts de la glossologie médiationniste, la proposition relève de la dialectique grammatico-rhétorique ; elle se définit comme « la restructuration énonciative du texte, lui-même défini comme structuration grammaticale de la phrase » (91) [1]. Dans l’axe taxinomique des identités, cette double analyse nous fait distinguer une différenciation de sèmes caractérisés par leur impropriété ou polysémie, et une sélection de vocables qui, quoique différenciés, sont synonymes par rapport à l’identité d’un concept. Corrélativement, dans l’axe génératif des unités, la segmentation en mots trouve sa contrepartie rhétorique dans la prédication (ou dé-termination) créatrice de termes :

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La prédication, en effet, est à la segmentation ce que la sélection est à la différenciation, mais, cette fois-ci, in praesentia. L’une est « démarcative » ou, comme nous disons, nous, seulement contrastive ; l’autre est dé-terminante, en ce sens qu’elle découpe en deux membres ou termes – dont l’un, bien entendu, peut éventuellement être absent lorsque le message est centré sur autre chose que l’objet – le noyau de tout énoncé. C’est ce qu’on exprime en parlant de coupe prédicative (92).

Le dire glossologique se présente donc biaxialement sous le double aspect d’une appellation et d’une énonciation, comme un dire ce que c’est et un dire que c’est [2]. Quant à la dualité prédicative, qui fait de l’énoncé une proposition, elle appartient à la doxa des grammairiens depuis l’Antiquité ; il faut donc mettre en garde contre un savoir ordinaire qui tendrait à assimiler la proposition glossologique à l’analyse grammaticale traditionnelle. En effet, les termes de la proposition n’ont rien de commun avec les constituants immédiats qu’on trouve dans la formule bien connue P → SN + SV, étant exclu dans une perspective dialectique, que la phrase, qui relève de l’analyse conceptuelle, puisse se réécrire sous la forme d’unités formelles telles que nom et verbe, qui sont un fait de structure. Le glossologue ne peut admettre qu’on parle de sujet nominal et de prédicat verbal, puisque ce serait prendre « pour le fruit d’une combinatoire le produit d’une autre analyse » (92). Cette critique s’applique tout autant à une présentation qui distingue dans la phrase des fonctions essentielles (sujet, objet, circonstancielle), pour décréter : « Ces fonctions essentielles se déterminent par rapport à un verbe » [3]. Car si le verbe ne saurait être un terme de proposition, le sujet est à son tour compromis en rhétorique par sa dépendance du verbe, et par le statut du pronom sujet dans le paradigme verbal. Le choix terminologique de J. Gagnepain de désigner comme SUBSTANTIF et PRÉDICATIF les deux termes de la proposition, n’est donc pas un simple changement d’étiquettes [4], mais procède de l’approche dialectique de la glossologie, qui impose de distinguer une analyse par la forme et une analyse par le sens. Ce choix renoue en outre avec une tradition grammaticale plus perspicace que la simple réécriture nomino-verbale de la phrase ; il se justifie

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[…] parce qu’il peut n’être pas inutile de chercher dans l’espèce de luxuriance terminologique dont naguère les manuels témoignaient sur ce point la preuve de l’aperception d’une nécessaire distinction de ce qui ressortit, d’un côté, à la syntaxe du nom et du verbe qui est affaire de structure, de l’autre, au rôle que conjoncturellement ils assument dans le cadre rhétorique de la proposition. (92)

En effet, pour les néo-grammairiens et le courant « stylistique » de l’Ecole de Genève, le sujet et le prédicat se dédoublaient en « grammatical » et en« psychologique » (ou « logique ») : « le sujet et le prédicat grammaticaux ne correspondent qu’incidemment au sujet et au prédicat psychologiques », dit Charles Bally, qui ajoute un exemple « où un sujet grammatical est le prédicat psychologique : “Les grandes personnes peuvent parler tant qu’elles veulent ; (les enfants, on les fait taire)” » [5]. Cette idée de l’indépendance des deux découpages est fondamentale pour la théorie de la médiation, qui souligne que verbe et nom peuvent se trouver indifféremment des deux côtés de la coupe prédicative :

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Il suffit, on le sait, que le verbe soit syntaxiquement marqué comme non-prédicable pour qu’il fonctionne comme substantif au premier membre dequidort dîne  ; et l’on sait que le nom ne laisse pas d’être directement prédicatif dans ce qu’il est convenu d’appeler la phrase nominale. (92)

L’expression non-prédicable nous semble par ailleurs prêter à discussion : faut-il rattacher la prédicabilité à prédication ou bien à prédicat ? La prédication étant définie dès le départ comme la contrepartie rhétorique de la segmentation, s’agit-il donc d’une insegmentabilité rhétorique, c’est-à- dire de l’impossibilité d’une coupe prédicative dans qui dort, ou bien de l’impossibilité que qui dort puisse fonctionner comme prédicatif ? Un autre passage nous porte vers la deuxième lecture ; J. Gagnepain, pour critiquer l’expression proposition relative ou proposition conjonctive, précise :

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L’erreur est dans l’une et l’autre de parler de proposition ; car l’assertion dans la première [= la proposition relative] n’est qu’indirectement concernée et son annulation dans la seconde [= la proposition conjonctive] rend grammaticalement le verbe imprédicable, fût-il – car l’énoncé, comme le tour attributif le montre pour sa part, ignore les frontières des schèmes – rhétoriquement prédiqué. (64)

Examinons donc ce que la grammaire traditionnelle appelle l’attribut du sujet, par exemple dans Le problème reste que Pierre n’aime pas la voiture. La conjonction, dit l’auteur, est une marque de non-assertion et d’imprédicabilité du verbe, entendant par là que c’est la subordination grammaticale du syntagme verbo-nominal qui suspend l’assertion et empêche par conséquent la coupe prédicative entre nom et verbe. Mais d’ajouter aussitôt que si le mot est imprédicable, le terme que représente la conjonctive peut parfaitement fonctionner comme prédicatif. L’indépendance de ces deux fonctionnements – marque grammaticale et conceptualisation rhétorique – constitue la caractéristique essentielle qui distingue l’approche glossologique de la prédication de l’approche logicienne. L’accord sur la dualité des termes (« Ce sont respectivement le thème et le propos des logiciens », 92) ne doit pas masquer le désaccord sur l’assertion. Puisque dans une perspective non-dialectique, rien ne vient contredire la marque formelle, il suffit qu’un énoncé porte les marques grammaticales d’une « incomplétude assertive » (62), pour qu’il ne puisse pas être, aux yeux du logicien, une assertion. Cette incomplétude, manifestée entre autres par inversion (vient-il), absence pronominale (entrez, entrez sans frapper) ou adverbes pronominaux (y, en), montre « que la grammaire culmine dans la signification du zéro » [6]. Or, ce zéro grammatical (représenté par le préfixe négatif dans non-assertion) peut à tout moment être désannulé par la rhétorique. Un énoncé comme Pierre vient-il ? rhétoriquement est une proposition de plein droit, et son prédicatif ne constitue pas moins que celui de Pierre vient un dire que c’est, c’est-à-dire une assertion. Une deuxième divergence empêche de s’entendre là-dessus avec les logiciens du langage ; c’est que pour eux, asserter, interroger, ordonner sont des actes de langage mutuellement exclusifs ; le sémantisme du verbe dire est donc limité par d’autres verbes de parole, ce n’est qu’un certain parler, alors que le dire glossologique désigne la totalité du processus taxinomique et génératif de conceptualisation [7]. Il s’ensuit qu’un acte de langage, glossologiquement, n’est qu’un échantillon de langage [8], et dans la question ontologique, il n’y a aucun écart possible entre le dire et l’être ; dans la formule énonciative dire que c’est, l’accent ne peut porter que sur le premier élément. L’essentiel de la rhétorique glossologique se résume ainsi par ce constat

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que nommer, […] c’est créer et que, de son côté, l’assertion, fût-elle négative, est toujours un jugement d’existence (92)

La réalité du glossologue, contrairement à celle du logicien, n’est pas extérieure à son énoncé ; son jugement d’existence n’est pas falsifiable, puisqu’il constitue au lieu de logiquement postuler. Et les présupposés d’existence, en strict langage et toute logique mise à part, ne sont que les inférences indéfiniment formulables à partir d’un énoncé sur la base de ses valences grammaticales. C’est encore l’intrusion de la logique qui nous conduit à limiter indûment « la définition de l’inférence à la non-contradiction des énoncés » (94) [9]. Ainsi, dans l’énoncé – Celui qui a découvert que l’orbite des planètes est elliptique, est mort dans la misère [10] – l’affirmation ou la négation d’existence (il existe/il n’existe pas/un homme qui a fait cette découverte) sont des développements de même statut glossologique, dont l’enchaînement sur la phrase n’empêche pas celle-ci d’être une assertion et donc un jugement d’existence. Si les théoriciens de la présupposition considèrent que les présupposés d’un énoncé sont les conditions de son emploi logique, en ce sens qu’ils « doivent être vrais pour que celui-ci puisse prétendre à une valeur logique quelconque (vérité ou fausseté) » [11], on leur objectera :

(1) qu’ils réduisent la référence au seul référent objectal, et (2) qu’ils mélangent l’élaboration des concepts et leur valorisation. C’est une chose, en effet, que la pensée s’élabore explicitement [12] par rapport à un seul paramètre à l’exclusion de tous les autres, c’en est une autre que cet exclusivisme, sous le nom d’objectivité, soit affecté d’une valeur de vérité. Or, la conceptualisation est indifférente à toute valorisation, le dire glossologique est dépourvu de la table de vérité des logiciens, c’est un dire sans qualités, différent du dire vrai ou du bien dire, qui relèvent de la perspective axio-linguistique. De même, l’argument « que le roi de France ne peut pas être chauve – puisqu’il n’existe pas » [13]repose sur le postulat d’un objet existant indépendamment de la façon dont nous le disons. Pour le glossologue, au contraire, concevoir, c’est faire exister (ou causer) par la pensée, en façonnant soit les mots sur les choses, soit les choses sur les mots. Son jugement d’existence, c’est le monde dit par lui ; parler du vent, même en niant son existence, c’est le faire exister : aucune assertion n’est plus qu’une autre un« prédicat d’existence », dire que le vent s’est calmé ou qu’il y a du vent, c’est glossologiquement dire son existence [14].

D’autre part, le langage du glossologue n’est pas davantage tributaire de l’orthodoxie de la langue du sociolinguiste ; si on maintient le statut glossologique de la prédication, l’analyse prédicative ne peut faire acception d’aucune « phrase canonique française », pour estimer que dans les prix montent, le terme substantif est « grammaticalement présent », ni invoquer au contraire un ordre marqué dans Arrive le facteur, qui constituerait un « prédicat sans substantif formulé » [15]. Bref, on ne saurait distinguer les énoncés suivant qu’ils admettent ou non l’analyse « classique » en sujet et verbe [16], ans s’exposer au reproche, formulé par J.Gagnepain, « que, de fait, on a pris la partie pour le tout et le plus fréquent pour la règle » (64) [17].

Nous avons souligné dès le départ la biaxialité du dire glossologique, traitée dans les sections consacrées respectivement à la proposition et à la nomenclature [18], avec le souci constant de l’auteur de ne privilégier aucune des deux analyses :

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On comprend qu’il ne soit pas question d’oblitérer au profit de la seule prédication l’importance d’un mécanisme contribuant avec elle à la mise sur pied d’un énoncé que nous tenons pour fait, conceptuellement parlant, de la totalité de ses oppositions comme de ses contrastes. De l’idée qui traditionnellement s’en est accréditée, la linéarité n’est pas seule responsable, mais surtout la méconnaissance de la réalité du potentiel. (86)

Il importe de bien mesurer la différence entre la biaxialité de la rhétorique glossologique, placée sous le titre pluriel « Mécanismes de l’énoncé », et la conception de F. de Saussure, qui ne pouvait envisager que comme un mécanisme unique cette « opposition mentale double » dans laquelle un élément « est en opposition syntagmatique avec ceux qui l’entourent et en opposition associative avec tous ceux que l’esprit peut suggérer » [19].

Pour la glossologie, au contraire, il s’agit nécessairement de deux analyses indépendantes, puisque chacune peut être sélectivement troublée dans l’aphasie. Même si ces troubles sont d’ordre grammatical, la dissociation qu’ils suggèrent englobe l’analyse rhétorique, constituée dialectiquement sur le modèle de la grammaire. C’est pourquoi une identité rhétorique (vocable) est exclue dans un rapport de prédication ; inversement, l’unité rhétorique appelée terme ne saurait faire l’objet d’une sélection, sous peine de retomber dans un exclusivisme taxinomique en disant qu’on sélectionne dans la classe des substantifs ou dans la classe des prédicats. Il faut donc se placer dans ce contexte glossologique lorsque J. Gagnepain explique que

(7)

[…] la prédication n’est jamais que la sélection transposée. C’est dans la mesure même où le virtuel fait autant que l’actuel partie de la nomenclature que le substantif avec le prédicat font également partie de la proposition. (93)

Ecartons d’abord le malentendu qui consisterait à conclure que la prédication serait ipso facto une sélection, car même si la conceptualisation totalise oppositions et contrastes, on ne peut à la fois nommer et énoncer, et la définition du terme substantif (ce dont on parle) ne se confond pas avec une appellation, qui dit ce que c’est. La prédication est au contraire la transposition d’une sélection. Il faut entendre par là la transposition d’une équivalence appellative en un jugement d’équivalence [20]. Si nous représentons l’équivalence sous la forme d’une alternative (A ou B ou C, etc.), il suffit de remplacer la conjonction disjonctive par une copule prédicative (A c’est B), pour que l’équivalence devienne un jugement d’équivalence : l’égalité s’exprime sous la forme d’une équation, qui est une égalité énoncée. Pour parler de l’égalité énonciative de deux suites, il faut les avoir mises en équivalence dans une formule prédicative telle que A signifie B, dans laquelle les suites constituent des termes [21]. Et nous n’avons pas d’autre moyen de décrire une sélection, que de former des propositions comme A est l’actuel de B ou B est le virtuel de A.

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(8)

[…] si le mécanisme de la prédication a retenu parfois exagérément l’attention, il ne semble pas que la constitution du terme ait suscité grand intérêt […] (93)

La critique vise le fait que la prédication a été envisagée la plupart du temps davantage comme la recherche d’un rapport logique – répondant à la question que prédique-t-on de quoi ? – que comme une dé-termination, c’est-à-dire un découpage de l’énoncé en termes. C’est que dans les échantillons de phrases utilisés habituellement pour la démonstration, les deux aspects en apparence se confondent ; le découpage semble acquis dès lors qu’on a isolé le « nominatif » du verbe ; une phrase comme Le facteur distribue le courrier [22] se présente en quelque sorte pré-découpée. Il faut donc rappeler que dans la perspective dialectique de la glossologie, aucune des deux analyses ne peut préfigurer ni façonner l’autre : aucun syntagme nomino-verbal ne doit à priori guider l’analyse rhétorique. Aucun isomorphisme donc, mais réaménagement de l’analyse grammaticale par un réinvestissement, qui « n’annule pas l’analyse mais la réaménage en fonction de la conjoncture » (67). Ce réaménagement des sèmes en vocables et des mots en termes par référence à la conjoncture nous oblige à renoncer à la conception fixiste d’une coupe prédicative immobile attachée une fois pour toutes à la phrase : celle-ci, avec chaque réinvestissement, se réaménage différemment en vocables et en termes. Il faut donc accepter l’idée que la phrase ou l’énoncé ne nous est pas donné indépendamment de son réinvestissement. Seul un non-dialecticien peut essayer de « prévoir le sens que reçoit effectivement chaque énoncé de la langue dans chacune des situations où il est employé » [23]. Le glossologue, au contraire, ne s’intéresse pas à un corpus de messages attestés, mais au processus qui en est à l’origine,

(9)

car ce n’est pas de statistique, en réalité, qu’il s’agit, mais bien de stochastique ou si l’on préfère d’induction, c’est-à-dire d’hypothèse du sujet parlant sur l’ensemble de la conjoncture (72)

La question est de savoir si cette hypothèse sur la conjoncture ou ce processus d’induction du message peut être explicité au-delà du message effectivement induit, en étant conscient du risque de circularité qu’il y a à vouloir expliciter l’explicite [24].

On sait que l’analyse stylistique d’autrefois, déjà mentionnée, pour trouver le sujet et le prédicat psychologiques, procédait au moyen de questions. Par exemple, dans Pierre va venir, Pierre est le sujet psychologique si la phrase répond à la question Que fait Pierre ?, et le prédicat psychologique en réponse à la question Qui va venir ? [25] Quant à l’énoncé C’est le facteur qui distribue le courrier, il ne peut être considéré comme une topicalisation [26] que s’il répond à Qui distribue le courrier ?

Mais si la question porte sur l’ensemble (Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qu’on entend ?) [27], il devient tout entier un terme prédicatif, ce qu’on exprime en disant que « ce n’est plus la même phrase ». Ce dernier cas illustrerait la possibilité, esquissée par J. Gagnepain, de l’absence d’un terme « lorsque le message est centré sur autre chose que l’objet » (cf.citation n° 1). Avant de réfléchir au statut glossologique de ce terme absent, il nous faut écarter un possible malentendu concernant les questions inductrices du découpage rhétorique de l’énoncé. Ces questions ne peuvent être prêtées à un interlocuteur, et l’énoncé n’est pas une réponse donnée par anticipation à un vis-à-vis imaginaire, l’interlocution étant exclue par définition de l’analyse glossologique. Il n’y a donc pas lieu de rouvrir la discussion sur les actes de langage, en arguant du fait que de prétendus énoncés-réponses peuvent faire autre chose que d’affirmer [28], ni de faire une distinction entre prédication et topicalisation, au motif que l’une serait d’ordre logique, l’autre d’ordre communicationnel [29], distinction non-pertinente pour la glossologie, qui ne tient compte que de la constitution du message par référence aux paramètres de la conjoncture, et dans laquelle le sujet parlant n’a pas de place. Les logiciens considèrent comme des formes d’implicite [30] les phrases verbalisant les présupposés ; quant aux phrases interrogatives présupposées par les énoncés, si elles n’étaient marginales à leurs yeux, elles pourraient recevoir un statut analogue. C’est qu’à la différence des présupposés destinés à garantir l’existence de l’objet, elles se rapportent à des paramètres non-objectaux, dont l’ensemble constitue la conjoncture glossologique :

(10)

[…] quiconque se soucie d’information plus que de jugement sait que l’objet nommé n’est qu’un des éléments de la situation à laquelle le rhétoricien que nous sommes tente sans y parvenir de rendre globalement son message adéquat.

Les facteurs, en effet, sont nombreux qui de l’extérieur le motivent ; en même temps que celui que nous venons de mentionner et sur lequel l’accord est unanime, il est clair que son émetteur peu ou prou s’y exprime, que le récepteur en tant que destinataire, intervenant ou non, s’y profile, que le vecteur, enfin, ainsi que les circonstances de son élaboration le conditionnent, ne fût-ce qu’en lui mesurant et l’espace et le temps. Entre eux aucune hiérarchie. Chacun à sa façon précipite l’intégralité du dit. Stables ou transitoires, les cristallisations qui en résultent interfèrent sans se confondre et c’est à leur somme, ou plutôt à leur syncrasie, que s’applique le terme, gratuitement restreint, de « contenu ».(69)

Cette conception du message comme un précipité des paramètres situationnels conduit à réinterpréter le concept de référence. Si « tout est référence » dans le message (69), il ne faut pas comprendre que tout entier, il se rapporte à…, en invoquant une fonction référentielle  ; il s’agit plutôt, raccourcissant en quelque sorte le rapport référentiel, de saisir le message au plus près de la conjoncture, comme pragma résultant d’une praxis rhétorique non réduite à des exemples littéraires [31]. C’est pourquoi parler de propriété à propos du message-pragma frise le pléonasme ; procédant par catalysede la conjoncture [32], il ne peut être ni au-delà ni en deçà de celle-ci :

(11)

Il se peut que, pour être entendu, on doive répéter ou développer ce qu’on dit, il n’y a pas pour autant pléonasme. Prétendre, en revanche, achever la phrase ou l’allusion devant un public averti fait pédant. Entre gens du même âge, du même endroit ou du même degré de culture, on se comprend à demi-mots […] (70)

Ainsi, l’ellipse ou la troncation ne sont pas synonymes d’incomplétude ou de déficit d’information [33] ; elles certifient au contraire la propriété de l’énoncé, c’est-à-dire la prise en compte de la totalité des paramètres. L’énoncé « tronqué » apporte une quantité d’information exactement proportionnée à ou complémentaire de la conjoncture. Par exemple, l’absence du terme substantif dans il distribue le courrier, révèle en creux l’information prêtée à un destinataire censé savoir de quoi ou de qui on parle.

Il nous reste à préciser le concept de terme absent. On sait qu’une certaine tradition scolaire avait abusé des sous-entendus et des ellipses dans l’explication grammaticale des phrases : « Si on trouvait quelque chose d’embarrassant, on évoquait le sous-entendu, magicien grammatical », avait ironisé Marcel Cohen, en écho à Ferdinand Brunot : « ce qui est dans les phrases interprété par ce qui n’y est pas » [34]. Pour comprendre en quoi le terme absent de la glossologie échappe à ces critiques, il faut se reporter à la distinction, déjà évoquée, entre « corpus où s’explicite le langage » et corpus contenant

« la teneur effective des messages historiquement attestés » (72), et, corollairement, au refus de

« mêler le manifeste du langage avec le manifeste de la langue » (73). En effet, un échantillon de langage se manifeste tout autrement qu’un texte d’auteur :

(12)

Le « texte » dont il s’agit ici, en effet, n’a ni dessin ni même dimensions précises. C’est essentiellement ce que nous avons plus haut dénommé le pragma, taillable et sécable à merci, dont la « lecture » précisément n’a d’autre but que d’inférer, dans toute sa richesse, le conditionnement extrinsèque. (74)

Puisque le « texte » glossologique n’a pas de dimensions fixées par unsujet parlant(qui a sa place en sociolinguistique), il faut redéfinir le concept de « conditionnement extrinsèque », et plus généralement, celui de « extralinguistique ». En effet, si l’extrinsèque et l’extralinguistique sont délimités par le manifeste du langage (et non par celui de la langue), on ne peut pas, sans autre forme de réflexion, en faire le seul domaine de la référence ou de la deixis. Admettre en exclusivité, en deçà du premier mot et au-delà du dernier mot, un « contraste situationnel », un « thème situationnel », un « substantif “de situation non formulé” ou un “ancrage dans la situation” » [35], c’est céder au raisonnement sociolinguistique en considérant ce premier et ce dernier mot comme appartenant à un message historiquement attesté et délimité. Dans ces conditions, donnons tout son poids à cette exigence formulée par J. Gagnepain :

(13)

[il faut] restituer à la désignation au même titre qu’à la signification l’intégralité de son espace. Si la phrase, en effet, inclut, au-delà de ce qu’il en apparaît, ses développements éventuels, le vocabulaire n’est pas, de son côté réductible à la somme des mots présents dans le message. (75)

Restituer à la désignation un espace qui lui avait été disputé : cette revendication vise manifestement l’omniprésence de la référence, qui monopolise indûment aux yeux de l’auteur, l’intégralité de l’espace laissé en apparence inoccupé par la chaîne des mots. Or, une partie (la moitié [36]) de cet espace prétendument extralinguistique revient à ce « rapport du signe à la structure » appelé incidence.

Il faut revenir à F. de Saussure pour se rappeler qu’il avait sous l’étiquette unique de la langue télescopé ce que la théorie de la médiation distingue sous les noms de langage et langue. Pour rappeler d’autre part qu’il ne concevait qu’un seul mécanisme d’analyse et donc qu’un seul type d’éléments, qu’il plaçait au carrefour des rapports in absentia et in praesentia [37]. Il ne pouvait donc y avoir pour lui qu’un seul manifeste – ce qui est présent dans la chaîne syntagmatique –, et qu’une seule latence – ce qui se trouve dans la série associative. La rhétorique glossologique, au contraire, n’admet aucune latence ; le manifeste du langage comprend à égalité l’actuel et le virtuel  : soit sous la forme d’une opposition entre vocables, soit sous la forme d’un contraste entre termes. Le contraste entre un terme actuel (ou présent) et un terme virtuel (ou virtuellement présent) est un rapport in praesentia. Dans le passage cité ci-dessus (n° 1), il n’y a donc aucune contradiction entre la définition de la prédication comme rapport in praesentia et le fait qu’un terme puisse bien entendu éventuellement être absent. Car, indépendamment d’une éventuelle différence existentielle (mais l’ontologie n’a pas sa place en glossologie), les deux termes, à défaut d’être également présents, participent également à une pluralité, ce qui revient à dire qu’ils comptent l’un et l’autre. Cela signifie d’autre part que les deux termes se font mutuellement contraste, ou que le « contraste » est synonyme de « relation in praesentia » ; il ne peut pas y avoir contraste avec l’extralinguistique [38]. C’est pourquoi le concept de substantif situationnel risque de prêter à malentendu ; il ne doit pas faire penser, en effet, que c’est la situation qui supplée au langage en occupant un espace extralinguistique, dont les dimensions d’ailleurs ne sont pas davantage précisables que celles du message lui-même. Il s’agit nécessairement d’un terme absent, qui atteste de cette indifférence glossologique au statut existentiel, ou de ce caractère du pragma (de l’échantillon), taillable et sécable à merci (ci-dessus, n° 12), et qui est circonstanciellement non-actualisé [39]. Soit l’exemple il- vient, dont R. Jongen, approuvé par J.-Y. Urien, estime qu’il « prédique vientnon pas deil, mais d’un terme substantif que il désigne par anaphore ou deixis » [40]. Rappelons d’abord que pour J. Gagnepain, la prédication se définissait moins par l’acte deprédiquer, de répondre à la questionque prédique-t-on de quoi ?, que par la constitution du terme (cf. ci-dessus, n° 8). Nous dirons donc que si on considère il-vient comme un terme, celui-ci se trouve par définition dans un rapport in praesentia avec un terme absent. Suivant la définition (cf. n° 1), cette absence dénote que le message « est centré sur autre chose que l’objet », par exemple sur un déficit d’information du destinataire. D’où la possibilité d’inférer une demande d’information constituant le terme absent, et on dira qu’on répond il-vient à ce terme-question ou qu’on prédique une réponse. Il reste à expliciter l’affirmation que il désigne un terme substantif par anaphore ou deixis. On donnera une réponse double : il désigne par anaphore (ou incidence) dans la mesure où le terme absent est un terme, et il désigne par deixis (ouréférence) dans la mesure où ce terme est virtuel et que cette virtualité est l’expression d’une propriété par rapport à autre chose que l’objet. Précisons toutefois que ce raisonnement repose sur le postulat que il-vient soit à considérer comme un terme de proposition et non comme une proposition. Car, puisque l’analyse rhétorique restructure sans l’annuler l’analyse grammaticale, rien ne nous semble s’opposer à ce que, dans une visée qui reste à étudier, un mot puisse être traversé par une coupe prédicative [41].

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(14)

A la polyrhémie [du mot] résultant de l’insegmentabilité grammaticale de ses partiels, le terme – conceptuellement un – oppose ce que nous appelons l’autonymie ou, si l’on veut, la concurrence de ce qui même segmenté n’est pas déterminé, c’est-à-dire séparé par une coupe prédicative. (93)

Nous avons plusieurs fois souligné que la constitution du terme, étant donné l’indétermination des contours du « texte » glossologique, ne peut pas être définitive ni unique, et que l’énoncé, en tant qu’actualisation circonstancielle, ne se présente pas rhétoriquement pré-découpé. Il ne s’agit donc pas pour nous de rendre plausible telle dé-termination de préférence à telle autre, mais plutôt de voir fonctionner le mécanisme de constitution du terme, c’est-à-dire le processus d’autonymisation.

Aucune des analyses de phrases discutées par J.-Y. Urien ne nous semble sans alternative. Nous ne pouvons donc accepter sans additifs une affirmation comme celle-ci : « En français, dans Je pense donc je suis, il n’y a pas de sujet, je étant l’indice personnel actualisant interne à l’ensemble qui fonctionne comme prédicat » [42]. On peut penser que ce qui a fait de cet exemple un cas aux yeux de l’auteur, c’est que l’indice personnel soit interne à l’ensemble-prédicat, et donc impossible à réunir dans un terme à part dont il aurait pu faire un sujet personnel [43]. On pourrait proposer tout aussi bien, l’énoncé ayant la forme d’un jugement d’identité (A = B), d’autonymiser les deux termes mis en équation : je pense (substantif) // donc je suis (prédicatif) , ce qui vérifierait que la prédication transpose de la sélection (cf.ci-dessus,n°7) et que « le plus rigoureux des syllogismes n’est jamais en son fond qu’un jugement d’identité » (66). A moins qu’on ne rejoigne l’analyse citée ci-dessus, en concevant je pense donc je suis comme un seul terme, précédé d’un terme absent représenté par un doute existentiel (chez l’émetteur ou le destinataire), auquel répondrait le syllogisme. Dans le cas de A = B, nous dirons que la coupe prédicative est actuelle, dans le cas du terme absent, nous dirons qu’elle est absente ou virtuelle. Dans les deux cas, l’autonymisation – la place de la coupe prédicative – est fonction de la conjoncture, de la propriété par rapport aux paramètres situationnels. Il nous reste à examiner de plus près la possibilité, déjà évoquée, d’une autonymisation en fonction de la structure. Nous partirons d’un exemple utilisé par J. Gagnepain : que mon gendre ait acheté la voiture [44], en le rapprochant de la citation n° 4 ci-dessus, où l’auteur explique qu’une conjonctive ne peut être une proposition conjonctive, puisque la conjonction empêche précisément, en autonymisant l’énoncé, la dé-termination prédicative. Il faut cependant remarquer que la suppression de la conjonction – mon gendre a acheté la voiture – ne fera de l’énoncé une proposition (« principale ») que si nous le rapportons au paramètre objectal. Rapporté à un autre paramètre, l’énoncé sera nécessairement précédé d’un terme absent, virtuellement constitué par une interrogation qui pourrait concerner les nouvelles de la famille, et il perdra son statut de proposition. Il faut replacer l’autonymisation conjonctive dans le contexte plus général de ce que la grammaire générative appelle les nominalisations. C’est par analogie avec l’adjectif épithète de la grammaire traditionnelle que J. Gagnepain utilise, comme synonyme d’autonymie, le terme d’épithèse, défini comme « la relation des mots dans le cadre d’un terme » (92). Nous pouvons donc appeler attribution, en parallèle avec l’autre statut de l’adjectif, la dé-termination prédicative. Une transformation, connue des générativistes sous le sigle Tadj « convertit » précisément l’adjectif attribut (article-nom-est-adjectif) en adjectif épithète (article-adjectif-nom) [45]. Encore faudrait-il être sûr qu’une marque grammaticale comme la présence du verbe être soit une garantie de prédication ou d’attribution, et que son absence fasse de l’adjectif « épithète » une épithèse. Car, au gré de la conjoncture, le grand garçon peut contenir une prédication, et inversement, le garçon est grand, ne pas être une proposition, mais un terme [46]. D’une façon générale, tout algorithme de nominalisation est soumis à cette condition implicite que les énoncés à transformer soient des propositions canoniques, c’est-à-dire qu’ils se rapportent au seul paramètre objet.

Si cette restriction paraît critiquable, c’est qu’elle est contraire aux enseignements de la rhétorique glossologique telle qu’elle a été jusqu’ici présentée. Mais la discussion de la partie intitulé « mécanismes de l’énoncé » reste incomplète tant qu’elle se limite à l’un seulement des modes de réduire l’écart entre les mots et les choses [47]. C’est pourquoi le traitement de la proposition doit se poursuivre au-delà des pages qui lui sont expressément consacrées, et englober la partie III du chapitre, dans laquelle, sous le titre « Sens et causalité », sont exposées les différentes modalités dont se constitue le sens et dont le langage cause l’univers à dire. L’auteur nous invite donc à reprendre le sujet sous un nouvel éclairage :

(15)

Nous ne pouvions tout dire à la fois et notamment que la désignation, contrairement à ce que par souci de clarté nous avons pu jusqu’ici laisser croire, confère un sens, non point unique, mais authentiquement alternatif, au pragma qui peut être le fruit soit, comme nous l’avons vu, d’une adaptation de l’univers des mots à l’univers des choses, soit – et c’est là l’élément nouveau – d’une réduction de ce dernier au langage lui-même employé pour le dire, sans qu’en souffre le moins du monde une propriété visant, quelles qu’en soient les modalités, à la coïncidence du verbe et du dit. (105/6)

On comprend que l’auteur ait choisi d’illustrer les mécanismes de l’énoncé d’abord sous l’angle métalinguistique de l’adaptation des mots à la conjoncture. Lui-même invoque le « souci de clarté » et la « commodité » [48] ; on peut ajouter que c’est dans son aspect métalinguistique que le caractère novateur de la rhétorique glossologique apparaît le plus immédiatement. C’est en effet là que l’analyse conceptuelle se démarque le plus visiblement d’une certaine analyse grammaticale scolaire.

Il fallait en effet bousculer une longue habitude pour affirmer que la conjonctive n’était pas une proposition, mais qu’elle pouvait être, dans le cas de l’attribut du sujet, un terme prédicatif (cf. ci- dessus, n° 4). L’adaptation de l’univers des mots à la conjoncture culmine dans les cas où la disparité entre le nombre des mots et le nombre des termes, fixé d’emblée à deux [49], est le plus spectaculaire :

(16)

[…] si longue que soit la phrase, elle ne comporte jamais qu’une seule proposition qui correspond au thème et au propos des logiciens ; même une phrase d’une page, comportant plusieurs subordonnées telles les phrases de M. Proust, ne s’analyse qu’en une seule proposition. Il faut donc les lire en annulant ce qu’il faut annuler et non, évidemment, ce qui est dit ! C’est là l’illustration même de cette différence du texte et de la phrase, c’est-à-dire du texte et de la proposition. (Leçons, 84)

Qu’il s’agisse en effet d’une succession de relatives enchâssées – J’ai chassé le chien qui avait mordu le chat qui avait tué le rat qui mangeait le fromage, etc. [50] ou d’une réciprocité indéfiniment récursive du type – Je sais qu’il sait que je sais qu’il sait etc. – la capacité d’autonymisation fait que chacun des deux termes peut résumer un nombre illimité de mots. Les transformations généralisées des générativistes ne créent dans cette optique ni profondeur ni complexité, mais augmentent simplement le nombre de mots contenus dans les deux termes : une seule proposition, qui n’est pas la principale, puisqu’il n’y a plus de subordonnées.

Or, lorsqu’on renverse la perspective – dans la terminologie médiationniste : lorsqu’on passe de la visée métalinguistique ou scientifique à la visée métaphysique ou mythique, dans laquelle l’univers à dire se réduit au langage pour le dire (cf. ci-dessus, n° 15) – il est fatal que l’adaptabilité du langage se trouve suspendue, à savoir la possibilité de chercher le vocable et le terme propres pour dire « ce que c’est et que c’est ». Ce qui est aboli, c’est à la fois l’autonymie – la capacité de créer du terme indépendamment des unités grammaticales – et la synonymie – la capacité de créer du vocable indépendamment des identités grammaticales :

(17)

Le mythe exclut le synonyme puisque tout sème séparément s’hypostasie et que pour lui un chat est un chat du simple fait que le chat n’est rien de plus que ce qu’il dit ; il ignore l’autonyme aussi par où le centaure scientifiquement se démonte. (117)

La formule tautologique ne vise pas ici la réflexivité structurale du sème [51], mais elle oppose un démenti au principe explicatif suivant lequel « on dit tout et on peut toujours le dire autrement » (31), et ceci au nom du principe évocateur qui fait qu’idiomatiquement on ne peut donner sa langue au félin, ni que le chat puisse étymologiquement avoir d’autre prénom que Félix. Et puisque la prédication n’est que la sélection transposée (cf. ci-dessus, n° 7), la sélection abolie aura pour correspondant dans l’autre axe la prédication réduite au jugement d’identité. Le centaure ne peut être plus que la longueur de son nom ; il ne se développe pas encyclopédiquement en un « être fabuleux, au buste et au visage d’homme, au corps de cheval, dans la mythologie grecque » (Larousse). Faute de synonymie et d’autonymie, l’énoncé est dé-terminé par les parties du discours [52].Reprenons dans cette optique l’exemple du prédicat d’existence discuté par J.-Y. Urien. Pour il y a du vent, l’auteur propose la paraphrase suivante : « s’agissant de la situation (que rappelle le morphème “y”du français), il est dit l’existence du vent » [53]. Le pouvoir évocateur qui est ici attribué à l’élément “y” fait que le « prédicat d’existence » il y a n’est substituable par aucun autre, alors que dans une visée descriptive, au contraire, le concept d’existence peut tout aussi bien, probabilité mise à part, se verbaliser par il existe. Quant à l’énoncé Un homme se débattait, qui dans une perspective heuristique ou descriptive peut s’analyser comme un seul terme précédé d’un terme absent, il sera décrit, par projection du langage sur la conjoncture [54], comme étant « syntaxiquement une phrase simple, et sémantiquement un énoncé comportant deux prédications », à savoir « Quantité de X existe, et un second prédicat où, s’agissant de ce X, on asserte une certaine propriété prédicative : X se débattait » [55]. On connaît, dans cet ordre d’idées, la recherche d’un substrat au sujet impersonnel des verbes « météorologiques » : « […] les verbes impersonnels (il pleut, etc.) ont un substrat diffus et pensé très inconsciemment, malaisé à dégager » [56] recherche motivée par la question de quoi prédique-t-on la pluie ? laquelle traduit la conviction qu’un verbum finitum étymologiquement est un rhèma, prédicativement en contraste avec un onoma, qu’on ira chercher jusque dans la polyrhémie du mot. « Rien […] n’est plus faux que la fameuse règle desécolâtres “autant de verbes, autant de propositions” », disait Jean Gagnepain en se plaçant dans la perspective scientifique du logos. Les conclusions opposées à tirer de la perspective du muthos, authentiquement alternative et procédant d’une égale « sophia » [57], à ses yeux allaient de soi. Puisque mythiquement il n’y a plus de vocables ni de termes pour adapter l’univers des mots à l’univers des choses, il s’ensuit nécessairement que l’autonymie s’arrête à la limite de chaque mot. Non encadrées par le terme, les subordonnées restent des propositions, et les phrases longues demeurent complexes. Si on porte au crédit des auteurs de jeux de mots d’avoir libéré le langage, comme disait André Breton, il faut préciser que la domination a simplement changé de côté. Au lieu de se remanier au gré de l’expérience, réaménageant librement vocables et termes, le langage ludique façonne l’univers à dire au gré de ses lois internes. Faute de vocable, le jeu porte sur la polysémie :

Il avait […]

une toute petite tête d’ail

une grande bouche d’incendie

et puis un œil de bœuf

et un oeil de perdrix

D’autre part, faute de terme, on joue sur la polyrhémie des mots en provoquant des contaminations et des ruptures dans l’unité du concept, qui empêchent de savoir de quoi on parle :

L’exposition est universelle

[…]

Et des sergents de ville d’eau de Vichy

[…]

Dirigent la circulation du sang

Et tout le monde fait la queue

Pour voir

Au pavillon de la sidérurgie

Une attraction sans précédent

La liberté perdue dans une forêt de bâtons blancs [58]

Le lecteur ne conclura pas de ce renversement de perspective mythique qu’on soit revenu au point de vue aristotélicien. Le repli du vocable sur le sème et du terme sur le verbe ne réhabilite pas pour autant les partisans de la grammaire scolaire et du prédicat verbal ; c’est que, croyant décrire métalinguistiquement le langage, ils en étaient à leur insu mythiquement prisonniers, faute d’avoir été informés du sens alternatif conféré par la désignation. Pour l’auteur de la glossologie, comme jadis pour Ferdinand de Saussure, l’urgence était de « montrer au linguiste ce qu’il fait » [59].

Références bibliographiques

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Urien Jean-Yves, 2004, « La Prédication. Mise en perspective glossologique », Tétralogiques n° 16 : Presses Universitaires de Rennes, pp. 85-109.
N.B. Nous avons bénéficié à la fois des judicieuses remarques de l’auteur et de ses abondantes lectures linguistiques.


Notes

[1Les références données sous cette forme renvoient à la pagination de Du Vouloir Dire (DVD), tome I.

[2Nous suivons ici la formulation de J. Gagnepain (DVD I, 61).

[3Grammaire Larousse (éd. 1964), p.62.

[4Cf. pour le refus du terme sujet  : « Ce n’est pas la moindre des contradictions auxquelles a donné lieu la notion de “sujet” que d’avoir prétendu recouvrir à la fois la relation du “nominatif” et du verbe et celle justement du substantif au prédicatif » (92).

[5Linguistique générale et linguistique française (1932), p. 73. Il faut cependant remarquer que cette non-correspondance des deux découpages apparaissait non comme un conflit fondateur, mais comme une distorsion, due à l’histoire, entre faits de grammaire et faits de pensée.

[6DVD I, 61, y compris pour les exemples (62).

[7Rappelons que l’expression dire quelque chose se présente appellativement sous la forme dire ce que c’est, et énonciativement sous la forme dire que c’est.

[8D’où le titre Quand dire c’est dire, par lequel René Jongen, en opposition à « Quand dire c’est faire », rappelle justement qu’une glossologie ne saurait sortir des limites du logos.

[9Voici la citation complète, dans laquelle J. Gagnepain insiste sur la non-limitation du terme : « [..] pas de clôture, d’une part, parce que le terme n’est pas plus dépendant que le vocable de la structure grammaticale dont explicitement il procède et que chaque sème ou mot a respectivement ses valences ; d’autre part, parce que – faute là encore d’étalon – il n’est pas sémantiquement plus de limite à l’inférence qu’à la paraphrase. L’illusion, en l’occurrence, nous semble avoir deux sources principales : la logique et la sociologie. La première nous égare en réduisant la définition de l’inférence à la non-contradiction des énoncés. » (DVDI,93/4).

[10Exemple introduit par Frege (« Sens et référence »,1892), et abondamment commenté par O. Ducrot1972, pp.29 svv.

[11Ducrot 1972,26.

[12Cf. dans Leçons.. p.75 le titre « L’Élaboration de la pensée explicite ».

[13L’actuel roi de France est chauve  : exemple de démonstration utilisé par B. Russell, et discuté par Ducrot1972, 38.

[14Nous nous référons ici à un développement de J.-Y. Urien 2004, 90,qui parle de « prédicat d’existence » à propos de la tournure « il y a – », sans préciser s’il s’agit d’une existence conçue ou d’une affirmation d’existence, c’est-à-dire d’un emploi logique de l’énoncé.

[15Cf.Urien, p.88,qui note à propos du terme substantif : « Grammaticalement présent dans la phrase canonique (“Les prix montent”), on pourrait supposer qu’il est sémantiquement absent en tant qu’il ne compte pas comme prédicat asserté, qu’il est “ce dont il est asserté quelque chose” ». Les notions de« phrase canonique » et aussi d’« ordre non marqué (basique) » reviennent à plusieurs reprises (pp. 99, 100), apparemment sans que l’auteur les critique d’un point de vue glossologique.

[16Cf. Urien, pp.92/3 : « [..] l’étude contrastive des langues montre clairement que ce qui apparaît canonique chez nous (c’est-à-dire l’idéalisation d’un prétendu standard) ne l’est pas partout, donc qu’il faut dissocier la définition de la prédication de celle du “sujet du verbe” sous peine d’ethnocentrisme. » Ce passage peut prêter à malentendu puisqu’il semble se fonder sur les langues pour traiter d’un problème de langage. Or, la dissociation réclamée à juste titre par l’auteur est nécessaire au nom de la double analyse grammatico-rhétorique : elle ne s’impose pas moins à la phrase française qu’à celle de n’importe quel autre idiome.

[17Cette observation concerne le problème du zéro en grammaire, à savoir l’effacement du sème et du mot, appelé respectivement pronomination et proverbiation ; la critique vise certains grammairiens et le fait« que l’aberration fût censée l’emporter là où notre ordre ne régnait pas » (64).

[18Voici les intitulés complets :« Épel et nomenclature » (pp.85-91), et « Syllabe et proposition » (pp. 91-98). Nous négligerons ici la partie phonique, indiquée par les termes épel et syllabe.

[19CLG, p.180 ; le chapitre s’intitule « Mécanisme de la langue ».

[20On pourrait d’ailleurs inverser la proposition et dire que la sélection n’est jamais que la prédication transposée, auquel cas le substantif et le prédicatif s’organiseraient en nomenclature sous les espèces de l’actuel et du virtuel.

[21Voici la citation complète (DVD, p.93) : « Ce qui est en cause, en effet, ce n’est pas l’organisation des deux suitesque mon gendre ait acheté la voitureetl’achat de la voiture par mon gendre, mais leur égalité énonciative […]. » On paraphrasera en constatant que l’auteur insiste une fois de plus sur l’indépendance de l’analyse grammaticale (l’organisation des deux suites) vis-à-vis de l’analyse prédicative, qui crée des termes en formulant un jugement d’égalité.

[22Exemple donné par O. Soutet 1995,319.

[23Ducrot 1972, 106.

[24Paraphrase d’une formulation de J. Gagnepain, que voici : « […] il s’avère en définitive plus aisé de théoriser l’implicite que de décrire une performance elle-même explicite et porteuse du même coup du risque de circularité » (68).

[25Exemple donné par O. Ducrot,60.

[26C’est le point de vue d’O. Soutet, 319.

[27Possibilité évoquée par les auteurs deLa Grammaire d’aujourd’hui, sv. Thème (p. 671) : « A la limite, le thème peut être absent de l’énoncé, celui-ci constituant, à lui seul,le propos ; ce serait le cas si la question avait été qu’est-ce qui se passe ? ».

[28Discussion menée par exemple par O. Ducrot, 56 : « [..] en admettant même que le contenu affirmé soit réponse à une question,rien n’assure que l’acte total d’énonciation où se réalise l’affirmation ne fasse pas autre chose que d’affirmer. Comme les phrases négatives et interrogatives [..] peuvent avoir d’autres fonctions que de nier ou d’interroger, il est possible que les phrases affirmatives accomplissent d’autres actes que celui d’affirmer ».

[29O. Soutet, 320.

[30O.Ducrot, 23 :« Grâce au phénomène de la présupposition, il est ainsi possible de dire quelque chose, tout en faisant comme si cela n’avait pas à être dit ».

[31C’est ainsi qu’à propos du titre « Référence et propriété », J. Gagnepain explique qu’il a choisi le terme de référence, « espérant par là mieux marquer justement une double rupture. L’une concerne, d’abord, le niveau auquel, en matière de langage, la praxis est généralement saisie ; l’autre, dans l’appréhension du pragma qui s’ensuit, le privilège glossologiquement injustifié de l’objet »(68).

[32« La référence est seulement catalyse et le “paragramme”, […] toujours et nécessairement dans la phrase […] »(74/5).

[33Nous nous référons à un passage proche de la citation précédente : « […] parce que la cohérence n’est plus, alors, dans la structure qui l’instaure, mais dans la situation à laquelle le message se réfère, on conçoit, d’une part, que la manière dont il est “formé” importe moins que la qualité ou la quantité de l’information qu’il apporte et que l’ellipse, à la limite, voire la troncation soient de mise quand la conjoncture le permet[…] » (75).

[34M.Cohen, Nouveaux Regards sur la langue française, p. 33 ; l’observation de Brunot est citée d’après A. Dauzat, Philosophie du langage, Paris 1924, p. 317,n.1 ; cf aussi dans F. Brunot, La Pensée et la langue, pp.18/9, des critiques contre les « prétendues ellipses », par exemple : « L’éducation grammaticale a vécu jusqu’ici des sous-entendus imaginaires ».

[35Urien 2004, 88, 105, 99, 98.

[36Cf. sous le titre « Référence et incidence », cette observation sur la répartition des deux rapports, critiquant le fait qu’on ait privilégié « tantôt la référence ou rapport du signe à la conjoncture et tantôt l’incidence c’est-à-dire le rapport du signe à la structure, alors que l’on eût dû plus tôt s’apercevoir qu’aucun des deux emplois, glossologiquement du moins, n’avait le pas sur l’autre »( 63).

[37Cf. ci-dessus, note 19. Ajoutons cette comparaison d’une « unité linguistique » avec la colonne d’un monument :« […] celle-ci se trouve, d’une part, dans un certain rapport avec l’architrave qu’elle supporte ; cet agencement de deux unités également présentes dans l’espace fait penser au rapport syntagmatique ; si cette colonne est d’ordre dorique, elle évoque la comparaison mentale avec les autres ordres (ionique, corinthien, etc.), qui sont des éléments non présents dans l’espace : le rapport est associatif » (CLG, 171). Du point de vue glossologique on complétera cette comparaison en constatant que l’architrave, même tombée en ruine au cours des âges, n’en resterait pas moins en relation in praesentia avec la colonne.

[38On remarquera au passage que, strictement parlant, les contrastes sont incompatibles avec le manifeste de la langue en sociolinguistique, par exemple avec un début de message historiquement attesté.

[39Nous paraphrasons ici le passage suivant :« L’objet, certes, bien ou mal perçu est source indéfinie de phrases toutes virtuellement incluses dans l’échantillon qui circonstanciellement l’actualise. »(73)

[40R. Jongen 1993, 179, rejoint par J.-Y. Urien 2004,92.

[41Nous répondrons donc par la négative à cette question posée par R. Jongen 1993, 178 : « Faut-il néanmoins simultanément “comprendre” que l’unité formelle du mot conditionne les possibilités assertives, au point par exemple d’imposer au dire un cadre minimal de prédicabilité ? L’existence d’une telle contrainte signifierait l’impossibilité pour une quelconque partialité de mot de fournir rhétoriquement l’un quelconque des termes assertifs – l’impossibilité par exemple d’un énoncé qui prédiquerait garçon de le (le-garçon) ou vient de il (il-vient). »

[42Robert Forest, Critique de la raison linguistique, Paris 2003, p. 245, cité par J.-Y. Urien ,92.

[43Ce cas rappelle les difficultés rencontrées naguère par l’analyse en constituants immédiats lorsqu’elle avait affaire à des constituants discontinus. Cf. par exemple, à propos des auxiliaires anglais : Chomsky, Structures syntaxiques, p.47.

[44Cf. ci-dessus la note21.

[45Cf.par exemple Chomsky, Structures syntaxiques, p.79 (nous reprenons les dénominations de la grammaire générative).

[46Puis que la structuration explicite du message « se moque de la grammaire » le verbe être ne saurait guider l’analyse : « […] dans la tradition de l’Ecole, l’affinité de la prédication pour le verbeêtretient seulement à la grammaticalisation de la copule en nos langues et ne saurait, comme telle, passer, bien sûr, pour capitale. » (93).

[47Nous empruntons cette formule à J. Gagnepain ; en voici le contexte : « Peut-être sera-t-on surpris que nous appelions science, ici, non un corps de doctrine mais justement cette modalité de l’énoncé qui ne se distingue du mythe que par la façon dont, quel qu’en soit le paramètre, s’y réduit l’écart des mots et des choses sur la base d’un réaménagement systématique des premiers. » (106).

[48« C’est à elle, en fait, [= à la perspective métalinguistique] que par commodité ressortissaient les exemples choisis pour illustrer le développement antérieurement consacré aux processus inhérents à l’élaboration de l’énoncé. » (107).

[49« Notons bien que ces termes sont – quel que soit le nombre de mots c’est-à-dire d’unités formelles qu’ils contiennent – et ne peuvent être que deux. » (92).

[50Exemple donné par Ruwet 1968, 211.

[51On ne confondra donc pas avec le passage suivant : « […] le langage n’est qu’un système de rapports qui ne connaît que son ordre propre et ne renvoie jamais qu’à lui-même.Tautologie et redondance en sont curieusement le principe et la fin. […] il est clair qu’on ne saurait parler ni accéder au signe si le chat n’était pas un chat et qu’on ne pouvait se répéter. » (65).

[52Attitude illustrée, nous semble-t-il, par une observation comme celle-ci : « La coupe prédicative est évidente lorsqu’elle est formulée syntaxiquement sous la forme de la relation sujet (où le substantif, le plus souvent nominal, peut aussi être verbal) : Les affaires marchent. Qu’il renonce m’étonne  ; Qui dort dîne. » (Urien,90).

[53Urien, 90. Voici à propos du même exemple, le contexte qui précède : « Que dit-on de quoi ? La réponse dépend de la paraphrase que l’on imagine, au risque de n’expliquer ensuite que la paraphrase, et non la phrase de départ ».

[54Formulation inspirée par le passage suivant de J. Gagnepain : « Si le logos est éminemment action du langage sur lui-même en fonction de l’ordre des choses, le muthos, au contraire, est action du langage sur les choses dans le but de les conformer à ce qu’il dit. C’est ce que nous appelons l’hypostase qui n’est point – comme chez le schizophase – réification de la forme mais projection et non plus induction d’une référence qui ne saurait être normalement absente du signe »(114).

[55Urien, 91, qui discute une analyse de Claude Muller.

[56Ch.Bally,36.

[57Ces formulations se trouvent aux pages 105 et106.

[58Jacques Prévert,Œuvres complètesI, Bibl. de la Pléiade, pp. 464 et829.

[59F. de Saussure, Lettre à Meillet du 4 janvier 1894, citée d’après l’édition critique du CLG par T. de Mauro, Paris 1972, p. 355.


Pour citer l'article

Michael Herrmann« La propriété de la proposition », in Tétralogiques, N°17, Description et explication dans les sciences humaines.

URL : https://www.tetralogiques.fr/spip.php?article239