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Antonin Merieux

Docteur en Sciences humaines, Théorie et pratique de l’archéologie.
Formateur et ludothécaire.
endervorpen chez yahoo.fr

De la modélisation au modélisme : l’apport de la théorie de la médiation à l’anthropologie du jeu et du jouet

Résumé / Abstract

En introduisant, dans un certain état d’un problème, de la distinction dans l’indifférencié et en faisant ressortir les similitudes ignorées, nous accédons à une compréhension plus fine de l’objet. C’est l’intérêt que présente à mon sens l’application du paradigme médiationniste au traitement de la question du jeu et du jouet, permettant ainsi de dépasser la représentation mythique et essentialiste qui prévaut actuellement.

Mots-clés
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1 Rien ne va plus

S’il est question ici du problème que posent les notions de jeu et de jouet, c’est qu’il s’agit des thématiques que je suis socialement en charge de traiter. Mais l’objet du présent article n’est pas tant d’informer le lecteur sur l’état général de ces problèmes que d’illustrer par cet exemple l’intérêt que présente l’outil théorique qu’est la théorie de la médiation pour l’élaboration d’une analyse scientifique novatrice d’un sujet qui relève d’une certaine préoccupation de la société, ce que Bachelard appelait « une occasion de recherche ». En effet, le jeu, dans toute l’imprécision de ce que peut recouvrir le terme, aujourd’hui interpelle : par exemple au travers des vertus éducatives qu’on lui prête, dans la floraison économique des secteurs du jeu vidéo et du jeu de société, ou encore par les problèmes sociaux que posent les addictions aux jeux d’argent. Il y a donc là ce que Bachelard appelait « une occasion de recherche », dont différents chercheurs, philosophes et spécialistes issus de différentes disciplines se sont bien sûr déjà saisis, non sans se heurter à divers obstacles épistémologiques, lesquels ne nécessitaient pourtant pas d’en appeler aux travaux de Jean Gagnepain pour être identifiés. Cependant, l’application de l’outil médiationniste à cette « occasion de recherche » présente l’avantage, non seulement de faire ressortir ces obstacles, mais aussi de les circonvenir pour proposer un modèle d’analyse plus efficace de ces questions.

On peut identifier, dans l’ensemble de la littérature théorique sur la question du jeu, deux obstacles épistémologiques majeurs. Il s’agit d’une part de ce que Bachelard appelait « l’obstacle verbal » – et Gagnepain le « mythe » – à savoir la subordination de l’existence de la chose à celle du mot, et d’autre part d’une tendance des théoriciens à orienter leur réflexion dans une perspective idéologique de conformation à l’opinion commune, par rapport à laquelle il aurait au contraire été attendu qu’elle s’inscrivit en rupture.

L’approche mythique est, il faut le reconnaître, pour une bonne part le fait des théoriciens et notamment des philosophes. Là où le sens commun opère assez instinctivement une distinction entre le hochet du bébé et la roulette russe, des philosophes tels que Johannes Huizinga et Roger Caillois ont au contraire cherché à déceler dans l’ensemble des phénomènes que peut recouvrir, y compris métaphoriquement, le terme de « jeu », des caractères communs qui constitueraient ontologiquement le Jeu. Des notions telles que celles de liberté, de règle, de fiction, d’incertitude, etc., ont ainsi été évoquées pour définir cette essence du ludique. Et il est vrai que ces questions se retrouvent bien dans certaines situations dites « de jeu », mais davantage parce qu’elles tiennent généralement de la condition humaine que spécifiquement d’un processus ludique. En somme, ce qui aurait manqué à ces penseurs, dont on ne saurait cependant minimiser l’ampleur de la réflexion, c’est une théorie générale de l’humain.

Ce problème de la prégnance du mot a pourtant été assez tôt repéré : Wittgenstein, s’intéressant au langage, prenait déjà comme cas d’étude l’ambiguïté du terme de « jeu » (Wittgenstein, 2004 [1953], p. 64-66). Mais la difficulté a alors été davantage contournée que résolue. Historiens et sociologues ont ainsi souvent choisi, sous prétexte de respecter la pensée de l’époque observée, de prendre comme objet d’étude l’emploi du mot lui-même plutôt que d’identifier un processus qui ne correspondrait pas à l’ensemble des utilisations du terme. Jusqu’à en arriver aujourd’hui à cette redoutable conclusion que ce qui caractérise le jeu est le fait d’être subjectivement considéré comme tel. L’analyse du jeu en sciences humaines consiste donc actuellement à relever toutes les situations où le terme se trouve employé, et à repérer éventuellement les points communs qui peuvent se retrouver entre certaines d’entre elles. Lesquels points communs servent alors à donner, non pas une définition du jeu, mais une liste de traits qui le caractérisent. Et lorsque, par la suite, des professionnels du secteur du jeu s’emparent de ces descriptions pour comprendre et définir leur travail, nous avons là un bel exemple de la parfaite circularité qui caractérise un savoir fermé, discours scientifique et opinion commune se confortant mutuellement.

Cette fermeture du savoir caractérise alors cet autre obstacle, que je qualifierais « d’idéologique », c’est-à-dire l’absence de remise en cause d’un état actuel de la connaissance. Ainsi, nombre de théoriciens actuels issus du milieu de la conception de jeux vidéos tendent à transposer le savoir-faire qu’ils se sont constitué au sein de leur métier en un savoir théorique sur le jeu, ce qui pose évidemment une multitude de problèmes, dont notamment l’absence de distinction entre les usages historiques actuels liés au jeu et le processus lui-même. Relèverait également de cet obstacle l’enfermement disciplinaire qui conduirait à réduire un phénomène à une seule approche possible, si la tendance actuelle à la pluri- / inter- / et transdisciplinarité ne venait privilégier l’approche mythique en entretenant l’illusion que les travaux sur le jeu des psychologues et psychanalystes de l’enfance, comme ceux de Donald Winnicott (1975 [1971]), puissent avoir le même objet que ceux des mathématiciens de la « théorie des jeux » ou encore ceux des historiens du jeu.

En bref, l’état de la question consiste donc en un morcellement conceptuel de la notion de jeu au gré des approches disciplinaires et de l’idée que s’en fait chacun, et parallèlement de tentative de concilier ces approches sans s’apercevoir qu’elles n’ont pas le même objet.

2 Jeu de déconstruction

L’intérêt du modèle théorique médiationniste tient alors d’une part au fait qu’il permet de fonder la réflexion sur l’analyse d’un processus précisément identifié et non sur la glose des emplois du mot, et d’autre part au fait qu’il produit ainsi un discours original et novateur sur la question. Parce qu’elle distingue d’emblée le langage des autres modes de rationalité, et parce qu’elle place l’impropriété du Signe au cœur du langage, la réflexion de Gagnepain commence, pour ainsi dire, là où s’arrête celle des autres, lorsqu’ils constatent que le terme de jeu peut être employés pour désigner des réalités très diverses. Ce qu’ils tiennent alors pour l’essence du jeu, la « métaphore ludique » de Jacques Henriot (1989), ne s’avère en effet n’être que le fonctionnement du langage qui sert à le dire.

Pour autant, le modèle n’apporte pas une solution unique à la résolution de ce problème, mais des possibilités de prise différentes selon ce qui, dans la vaste imprécision du terme, interpelle le chercheur. La question du jeu n’est en effet pas induite par le modèle lui-même, mais relève d’un phénomène sociétal qui demande à être analysé. D’où le fait que Gagnepain pouvait dire dans un séminaire de 1982 (Gagnepain, 1982) qu’il n’y avait pas à en parler, avant de le faire tout de même des années plus tard (Gagnepain, 1996).

Il ne s’agit donc plus de rendre compte de ce que serait une essence idéale du jeu, comme s’il s’agissait d’un phénomène fondamental de la raison humaine, mais de faire éclater le concept en construisant différents problèmes soulevés par cette occasion de recherche. C’est ce qu’a, à mon sens, fait Gagnepain dans ces deux séminaires qu’il a consacré à la question du jeu, en dissociant notamment ce qu’il a appelé « l’autocinèse du vivant », la « politique chorale » et une dimension « ludique », chacune de ces notions répondant à une certaine idée de situations dites « de jeu » pour lesquelles il s’agit de proposer une analyse.

Ma démarche a donc consisté, sur la base de la contestation du postulat d’une unité ontologique de l’ensemble de ce qui est appelé jeu, à faire éclater, grâce au modèle, le concept de jeu en isolant des déterminismes distincts, sans négliger pour autant les implications de leur possible co-occurence. Le choix des déterminismes ainsi retenus n’est cependant pas tant fondé sur l’autorité des travaux de Gagnepain que sur l’appropriation de ses réflexions à la lumière de situations concrètes à analyser. C’est la raison pour laquelle je n’ai guère sollicité le concept d’une modalité « ludique » relevant d’une absence transcendantale de réinvestissement performantiel, que Gagnepain développe dans son séminaire « Faire des ronds dans l’eau », et qui ne correspond paradoxalement que peu aux situations de jeu dont j’ai voulu rendre compte.

2.1 L’autocinèse

Pour illustrer cette mise en application de la théorie et montrer de quelle manière elle renouvelle le discours actuel sur le jeu, je prends donc à présent le cas d’un bébé agitant un hochet, situation courante s’il en est. De quoi s’agit-il ici ici ? Simplement du fait que le vivant tend spontanément à mettre en œuvre les capacités dont il dispose, sans que celle-ci soient nécessairement sollicitées par un facteur extérieur (lequel n’existe d’ailleurs en tant que tel qu’en raison d’une faculté de dissociation du soi et du non-soi). C’est ainsi que j’entends cette « autocinèse du vivant » [1] évoquée par Gagnepain, comme processus par lequel ses propriétés s’activent d’elles-mêmes, le vivant étant ainsi « mu de lui-même ». De ce fait, le bébé fait l’expérience de ses capacités de proprioception, de sensation, de motricité et de pulsion, ainsi que, déjà, de leur acculturation progressive. Je mettrais particulièrement en avant la question de la pulsion, non pas qu’elle soit hiérarchiquement plus importante, mais parce qu’elle répond à la sempiternelle interrogation : « Pourquoi l’enfant joue-t-il ? ». L’enfant qui « joue » ne fait que s’intéresser à lui-même et à ce qui l’entoure, parce qu’il est bouliquement ainsi, plutôt que de demeurer soit passif, soit exclusivement réactif à des stimulations internes ou externes. Le contraire du jeu – du moins de « ce » jeu – n’est donc ni le sérieux, ni la réalité, mais l’ennui et l’apathie qui relèvent de l’aboulie. Si le bébé placé dans cet environnement manipule le hochet, c’est parce que spontanément il s’y intéresse et qu’il exerce ses autres facultés en relation avec cet objet, mais aussi parce qu’aucune autre stimulation qui aurait une valeur prépondérante, comme le sentiment d’un danger, ne s’interpose.

Cette explication de la raison d’être du phénomène, pour élémentaire qu’elle puisse paraître, présente à mon sens l’intérêt de s’inscrire en rupture avec celle que l’on rencontre habituellement, et qui prétend expliquer le jeu de l’enfant par son utilité pour son développement. Mais montrer ce à quoi sert une chose ne permet ni de la définir, ni de l’expliquer, à moins de supposer qu’un dessein intelligent l’ait instaurée à cette fin. Au contraire, partir de l’identification de ce processus d’autocinèse montre bien toute l’inanité qu’il y a à chercher une utilité au fait de faire usage des capacités dont on dispose : il est bien certain qu’en restant totalement passif et indifférent, l’enfant ne risque pas de développer grand chose.

L’enfant explore donc le monde et fait l’expérience de ses capacités propres, comme dans le cas de ce bébé avec son hochet. En l’occurrence, l’adulte avisé a placé un hochet à proximité de lui pour que le bébé le manipule, mais le comportement de ce dernier aurait été exactement le même s’il s’était agit d’une grenade offensive. C’est donc l’adulte qui, par la sélection judicieuse de ce qu’il met à disposition de l’enfant introduit une distinction par laquelle il fait de « ce » jeu un autre phénomène « jeu ».

Pour comprendre ce phénomène, il est donc nécessaire de passer d’abord par l’analyse d’un autre processus, également connu sous le nom de jeu, et présent cette fois chez l’adulte. Pour autant, cette application spontanée des facultés dont l’individu dispose, caractéristique du vivant – encore que l’on pourrait se demander exactement dans quelle limite – n’est pas propre à l’enfant. Elle est à l’œuvre également chez l’adulte, dans la quasi-intégralité de tout ce qu’il entreprend, les réalisations scientifiques, artistiques ou ludiques les plus prestigieuses n’étant jamais de ce point de vue que des variations du bébé agitant son hochet. Toutefois, si cette notion d’autocinèse permet bien de rendre compte de ce qu’est le jeu du jeune enfant, elle ne suffit pas à rendre compte à elle seule de la complexité de ce qui est à l’œuvre dans le jeu de l’adulte.

2.2 Le jeu choral

Ainsi, si l’on quitte la situation du bébé avec son hochet pour s’interroger sur la partie de Scrabble ou de Candy Crush, nous pouvons relever un autre déterminisme explicatif, que j’appellerai l’esthétique sociale de la responsabilité, ou plus précisément « jeu choral ». Ce concept s’appuie bien sûr sur la notion de politique chorale de Jean Gagnepain (à laquelle j’ai préféré l’expression « d’esthétique sociale », plus parlante en dehors de la théorie). Ce concept s’avère en effet parfaitement opératoire, à condition de faire la distinction entre le caractère endocentrique d’une relation sociale envisagée pour elle-même d’une part, et l’apparence esthétiquement harmonieuse que peut éventuellement prendre le rassemblement du groupe. Autrement dit, cette esthétique sociale ne relève pas tant pour moi de l’ordonnancement ou de la mise en scène du groupe dans la procession et le défilé, que dans le fait que ces rassemblements ne visent pas, contrairement par exemple à la manifestation ou à l’émeute, à provoquer une modification de la réalité ou de l’institution. Une telle notion d’un être ensemble et surtout d’une responsabilité assumée pour elle-même s’avère tout à fait éclairante pour la compréhension de phénomènes tels que la partie de jeu de société ou de jeu vidéo ou la rencontre sportive.

Une grande partie de ce que recouvre le terme de jeu peut ainsi se comprendre sous l’angle d’une esthétique de la responsabilité. La partie de Scrabble est ainsi menée, pourrait-on dire, « pour elle-même », gratuitement, et sans conséquences extérieures [2]. Ce qui s’y passe n’a pas vocation à répondre à une quelconque nécessité sociale, non plus qu’elle n’a d’incidence sur ce plan : quel que soit le vainqueur ou le perdant de la partie, cette distinction d’état entre l’un et l’autre – ce que Lévi-Strauss appelait le caractère disjonctif du jeu (Lévi-Strauss, 1962, p. 46), le réduisant alors à la compétition – ne se traduit pas extérieurement au jeu, et les adversaires cessent de l’être dès que la partie se termine.

Cette idée d’esthétique s’oppose à la pratique, c’est-à-dire à une dimension qui prend en compte la relation à la réalité des choses, soit pour s’adapter à elle dans ce que Gagnepain appelle la visée synallactique, soit pour la conformer à soi en une visée anallactique. L’esthétique ne se soucie pas du réel, ce qui nous permet de reprendre l’opposition que Freud construit entre jeu et réalité (Freud, 1907), en précisant cependant qu’il ne s’agit là ni d’une question de représentation, c’est-à-dire d’un caractère fictif du jeu, ni d’une similitude entre ce qui est fait dans le jeu et ce à quoi cela pourrait ressembler dans la réalité [3].

Cette séparation doit pouvoir, pour continuer à exploiter les outils que le modèle met à notre disposition, se transcrire en termes d’opposition et de composition. Taxinomiquement, il y aurait ainsi distinction entre le cadre de jeu et le cadre de non-jeu, et générativement une absence d’association entre ce qui tient de l’un et de l’autre, outre le fait de pouvoir précisément basculer de l’un à l’autre. Ainsi, les billets de Monopoly ne servent-ils de valeur d’échange qu’à l’intérieur du système du jeu, sans qu’il soit possible de les convertir à l’extérieur. Il y a là quelque chose qui tient à une certaine déconnexion, à une séparation entre le jeu et le non-jeu, qui a bien été observée par Caillois (1967 [1957]) mais dont il a, me semble-t-il, négligé l’importance en la plaçant au même niveau que d’autres caractéristiques, et notamment son aspect libre. Cette liberté du jeu, non pas au sens axiologique mais en tant qu’absence de contrainte sociale, apparaît en effet comme un corollaire inévitable de cette séparation : s’il y a contrainte sociale, il ne peut y avoir en effet absence de conséquence.

De même, le caractère cette fois convertible des jetons de casinos, et plus largement de tout enjeu, constitue un lien avec le réel. Il y a là une forme de passage à la limite dont la rhétorique des entreprises de loteries et paris exploite l’ambiguïté. Il suffit de pousser les portes du casino d’une station balnéaire pour trouver l’exemple de personnes aisées d’un certain âge tuant le temps en dépensant leur argent à la roulette, sans que cela n’ait pourtant de répercussion sur leur niveau de vie et leur situation sociale ; mais l’on pourra également trouver au même endroit d’autres personnes misant l’argent du loyer dans l’espoir précisément de pouvoir enfin changer de vie. Dans les deux cas, ces personnes font la même chose, et l’on peut appeler cela ou non du jeu, mais l’important est de réaliser que la dimension sociologique n’est pas la même, et que le processus du jeu choral ne doit pas se confondre avec les modalités plus ou moins aléatoire de la circulation d’argent. Bien sûr, la distinction n’est pas toujours aussi nette, et le basculement insidieux du divertissement au déficit toujours possible. Caillois parlait à ce propos de « corruption des jeux », pour évoquer ces situations de passage à la limite d’avec ces caractères, pour lui constitutifs, de séparation, d’improductivité et de liberté.

Cependant, si la notion de politique chorale s’avère opératoire pour analyser de manière originale, et surtout démythifier, cette question du jeu, il m’a paru nécessaire de chercher à expliquer à quoi pourrait tenir la différence entre ce jeu choral et les exemples habituellement donnés pour illustrer la visée esthétique au plan ethnique, comme ceux de la cérémonie ou de la fête. Ou pour le dire autrement, si le processus est le même, qu’est-ce qui distingue la partie de Scrabble de la bar-mitzvah ? L’hypothèse que je proposerais alors, est celle d’une polarisation possible de ce réinvestissement sur l’une ou l’autre face du rapport instituant-institué. Il est bien entendu qu’il ne s’agit pas de suggérer une dissociation de l’une et l’autre, mais une attention particulière portée à l’une ou l’autre face. Ainsi, dans la fête d’anniversaire ou la commémoration du 11 novembre, c’est, me semble-t-il la dimension du lien qui se trouve ainsi privilégiée : ce qui compte, c’est la réunion de ceux dont un trait identitaire commun justifie le rassemblement, et non ce qu’il peut y avoir à y faire en terme de responsabilité. D’ailleurs, il n’y a, dans les deux exemples cités, bien souvent pas grand chose à faire, le second pouvant même être considéré comme plutôt ennuyeux. À l’inverse, ce qui compte dans le jeu ce n’est pas nécessairement ceux avec qui l’on se rassemble, mais davantage le rôle que l’on va devoir tenir dans le groupe. Ainsi, nous avons tous l’exemple d’une bande de joueurs de belote cherchant quelqu’un pour faire « le quatrième ». Peu importe alors qui il est, et ce pourquoi il peut bien être là, du moment qu’il est à même de donner la réplique. La chose est plus flagrante encore dans le domaine des jeux vidéos en ligne, ou le partenaire, hormis un pseudonyme, est parfaitement anonyme, et convient pourtant parfaitement à ce pour quoi l’on s’associe avec lui. C’est la raison pour laquelle je définis plus précisément ce jeu choral comme une esthétique sociale de la responsabilité.

2.3 Heuristique de l’analyse

On le voit, l’outil théorique ne peut donc fournir une modalité unique de résolution du problème, puisque celui-ci, n’étant pas lui-même posé par la théorie mais provenant d’une réalité extérieure, peut être construit de différentes matière selon la préoccupation qui anime le chercheur dans son intérêt pour le phénomène. Cependant, quelle que soit la manière dont est théoriquement construit l’objet jeu, la Médiation présente l’intérêt de pouvoir resituer entre elles les différentes approches possibles à l’intérieur d’un système cohérent, et d’y replacer également la diversité des observations faites à propos des situations de jeu.

Ainsi, de nombreux traits repérés par les divers auteurs qui se sont penchés sur la question du jeu trouvent leur place dès lors que l’on distingue soit l’autocinèse, soit la responsabilité esthétiquement assumée, du contenu qu’elle peuvent prendre. Les questions d’incertitude ou de hasard, de compétition, de simulation, de décision stratégique, etc., qui paraissent si déterminantes dans la littérature consacrée au jeu, ne sont ainsi que des contenus possibles de la responsabilité que se donne esthétiquement le joueur, comme peuvent l’être toutes les capacités naturelles ou culturelles dont il dispose. Et l’on comprend dès lors pourquoi resurgit régulièrement un discours pan-ludiste, selon lequel le jeu serait finalement synonyme de raison ou de culture, puisque tout ce dont il est capable peut être pris esthétiquement comme contenu de responsabilité.

De même, la notion de plaisir se révèle fréquemment convoquée dès lors qu’il s’agit d’expliquer le phénomène du jeu, de même que celle d’utilité, lorsque le joueur est un enfant. S’il est vrai que ces caractéristiques apparaissent en effet souvent liées au jeu, elles ne sauraient cependant être considérées comme définitoires. Ramener, comme certains le font [4], la question du jeu à celle du plaisir, revient en effet à renoncer à autonomiser un quelconque processus ludique pour ne parler que du système axiologique. L’intérêt du modèle est alors de pouvoir rendre compte indépendamment des différents processus observés dans une situation : ainsi, le jeu peut en effet susciter du plaisir et être jugé axiologiquement utile, mais comme tout autre contenu.

Cette possibilité de pouvoir placer des processus différents à l’intérieur d’un même système anthropologique permet également de comprendre la particularité de ce que l’on appelle « jeu » chez l’enfant, qui relève comme on l’a vu de l’autocinèse, mais dont la manifestation se trouve inscrite par l’adulte dans une perspective d’esthétique sociale. Dans une certaine mesure du moins, car si l’adulte veille à ce que rien de ce qu’il met à disposition de l’enfant pour nourrir son besoin d’exploration ne puisse lui nuire, il est en revanche rarement réticent à l’idée que cela puisse favoriser une évolution bénéfique du jeune individu. L’absence de conséquence au plan social doit ainsi surtout s’entendre comme une absence de conséquences négatives, pour l’enfant aussi bien que pour son entourage. D’où une certaine tendance à vouloir mettre les hachoirs à saucisses aussi bien que les vases Ming hors de portée de la curiosité exploratoire des enfants. Au fur et à mesure que ceux-ci grandissent, ils s’imprègnent également de cette capacité à distinguer dans l’ensemble de ce qu’ils font ce qui est considéré comme socialement utile ou néfaste, et qui relève alors de la pratique, de ce qui est socialement gratuit.

3 Du jeu au jouet

Tout ce que nous venons de voir ne constitue alors que les prolégomènes, fruits de l’application du modèle, nécessaires à une analyse affinée de la question du jouet. Il eût été parfaitement possible de s’en passer et d’entrer aussitôt dans le vif du sujet en ouvrant un catalogue de Noël et en postulant que relève de la question du jouet tout ce qui se trouve présenté dedans, ainsi que cela se fait régulièrement. Mais l’utilisation du modèle, en construisant la notion de jouet à partir de processus identifiés, permet d’introduire une rupture avec la constitution habituelle du champ. Car comme celui de jeu, le terme de jouet est lui aussi équivoque. Suite à ce que j’ai exposé dans la partie précédente, je l’utiliserai donc pour désigner les équipements destinés à nourrir sur le plan technique ce que nous avons vu être le jeu de l’enfant. Le jouet est alors l’objet que l’enfant peut manipuler sans risques, aussi bien physiques qu’« économiques ». Mais encore une fois, ce concept n’est pas issu d’une nécessité théorique induite par le modèle, mais d’un besoin social de rendre compte d’un certain ensemble de réalités, et d’introduire éventuellement des dissociations entre elles. Le jouet ressort ainsi d’une double analyse : analyse technique de l’équipement et de ce qu’il peut potentiellement produire et ethnique de l’incidence sociale que son utilisation peut comporter.

Tout équipement peut alors faire l’objet d’une telle analyse, indépendamment de son appellation ou de sa commercialisation sous le terme de « jouet ». Par exemple, le saladier en inox, exemple que je choisis car j’ai vu cet objet introduit dans un espace de jeu destiné aux enfants de moins de quatre ans et ai été convaincu par l’expérience. Cet objet peut en effet être manipulé de nombreuses façons : on peut le remplir, regarder son reflet dedans, le mettre sur la tête comme un casque ou sur son dos comme une tortue, le retourner et en frapper le fond pour produire des sons, etc. Il ne présente guère d’autre risque que de pouvoir être utilisé de manière excessivement contondante, comme n’importe quel objet rigide se trouvant entre les mains d’un enfant de cet âge. Économiquement parlant, l’objet reste difficile à détériorer, et quand bien même il le serait, cela n’aurait habituellement qu’une incidence minime, qui n’altérerait en rien l’équilibre budgétaire ou le niveau de vie de son propriétaire. L’eau pourrait être un autre exemple de jouet, dès lors que l’on ne se situe pas dans la région du Sahel et que les conditions de sa manipulation ne présentent aucun risque pour la santé de celui qui le manipule, parce qu’il fait suffisamment chaud ou parce que l’on dispose de chaussettes de rechange. Tout équipement peut donc être analysé comme jouet, sans que cela n’implique nécessairement qu’il ait été fabriqué à cette fin : des objets cassés, hors-d’usage, ou tout simplement bon marché, font ainsi d’excellents jouets.

Cette distinction entre l’analyse technique et l’analyse ethnique, toutes deux nécessaires à l’établissement de cette réalité du jouet, permet de comprendre ce que j’appellerais la « bêtise ». J’entends par là une insuffisance d’imprégnation des usages qui conduit l’enfant à effectuer une manipulation (pour ne pas dire à « jouer ») non conforme à ce qui est socialement attendu. Il ne s’agit donc pas d’une maladresse, c’est-à-dire d’une défaillance praxico-technique, mais d’une infraction plus ou moins involontaire, l’enfant n’ayant pas encore pleinement accès aux usages. Chacun pourra aisément trouver de tels exemples de bêtise en se référant aux anecdotes des repas de famille, aussi ne retiendrai-je, pour le prestige de la référence, que celui relaté par Goethe dans son autobiographie et étudié par Freud (Freud, 1985 [1917]). Le poète raconte comment très jeune il prit un jour plaisir à briser un élément de vaisselle miniature à destination des enfants, et qu’encouragé par de facétieux voisins, il poursuivit son œuvre jusqu’à ce que toute la vaisselle domestique y soit passée. Ce qui apparaît ici, c’est bien la parfaite technicité de l’opération : le petit Goethe parvient à s’emparer de la vaisselle et à la briser sans se blesser, conformément à ce qu’il cherche à faire. Il ne s’agit donc pas d’un accident, mais d’une entorse aux conventions sociales. Ainsi, si Goethe « joue » en tant qu’il fait spontanément quelque chose avec la vaisselle, il ne « joue » plus du point de vue de l’analyse ethnique que pourrait faire l’adulte.

Inversement, de nombreux objets catalogués comme étant des jouets et destinés aux enfants apparaissent dans leur dimension technique d’une efficacité discutable. Je prends l’exemple de la poupée-mannequin, dont la célèbre Barbie est emblématique, et de ses accessoires : il suffit de faire l’expérience de manipuler ces équipements pour s’apercevoir de l’inadéquation entre la structure technique de l’objet et ce à quoi il prétend servir, ou du moins que l’on aimerait qu’il serve. Ainsi, le déshabillage, et l’habillage plus encore, de la poupée s’avèrent complexes et malaisé, notamment relativement aux compétences des enfants. La raideur des bras, la position courbée des mains et le délié des doigts, conjugués à l’étroitesse de certains vêtements, rendent en effet l’opération extrêmement difficile. Le matériau étant de plus relativement peu solide, le risque d’endommager la poupée en est d’autant plus grand. L’utilisation de la poupée comme marionnette servant à une construction narrative se trouve enfin freinée par son impossibilité à tenir en position debout ou assise sur une chaise, ou encore à pouvoir tenir ses accessoires dans ses mains.

De ceci ressort que la poupée-mannequin ne s’avère que faiblement opératoire pour répondre à ce que l’on voudrait que les enfants en fassent, et qu’on leur montre par le biais de la publicité, ainsi qu’à ce qu’ils voudraient eux-mêmes en faire. Mais l’on pourrait en dire autant des « jouets d’éveil » surchargés de boutons, d’effets sensoriels divers et d’électronique, plus propres à provoquer une saturation de stimulation qu’à développer une quelconque faculté chez le jeune enfant. Et pourtant, la quasi-totalité des enfants réclament une poupée Barbie, quand ce ne sont pas les adultes qui devancent cette demande. C’est qu’il y a là d’autres processus qui se trouvent à l’œuvre, et c’est à mon sens l’intérêt du modèle d’inciter à envisager tout phénomène selon au moins quatre modalités différentes, en évitant de céder à la tentation de les rattacher à un unique plan de rationalité. Ainsi, la poupée-mannequin ne doit pas seulement être envisagée comme un jouet destiné à être manipulé, mais aussi comme un élément constitutif d’une culture enfantine, c’est-à-dire d’une culture que l’adulte créé pour instituer l’enfant. Le bonbon, la casquette estampillée « Spider-Man », et la poupée de porcelaine sont ainsi des exemples d’objets se prêtant assez peu à une manipulation expérimentale sans incidence, mais qui relèvent plutôt d’une dotation constitutive d’un état d’enfance.

Enfin, de même que l’on a vu que des équipements qui ne sont pas couramment considérés comme des jouets peuvent servir à l’enfant à jouer, ce n’est réciproquement pas parce qu’un objet peut servir au jeu que cela lui confère de fait une essence ludique. C’est ainsi une évidence que l’ordinateur peut aussi bien servir à jouer à Candy Crush qu’à tenir une comptabilité, et il ne serait guère besoin de le rappeler si la littérature portant sur le jeu et le jouet n’abondait en références aux masques rituels, aux osselets et tarots divinatoires ou aux poupées dagydes. En effet, de l’analyse technique de l’équipement ressort que le masque permet de masquer, que les cartes peuvent se mélanger et que la poupée « ressemble », mais c’est dans l’analyse ethnique de leur emploi que peut alors apparaître une distinction qui permet de les rattacher ou non au jeu tel que nous l’avons construit.

Pour finir, le recours au modèle théorique permet une analyse plus fine de la diversité de ce à quoi, ou de quoi, les jouets permettent de jouer. L’état actuel de la question est en effet encore très imprégné de la psychologie piagétienne, hiérarchisant les facultés du « sensori-moteur » au cognitif. L’approche médiationniste présente alors l’intérêt de dépasser cette hiérarchisation des modes de rationalités. Les jouets ne sont plus alors analysés en fonction de « stades de développement » des enfants auxquels ils s’adressent, mais envisagés systématiquement dans la totalité des sollicitations aussi bien naturelles que rationnelles qu’ils peuvent provoquer. Il ne s’agit donc pas non plus de chercher à rattacher chaque jouet à un plan de rationalité, en catégorisant par exemple les balles colorées en jouet sensoriel, le bac à sable en jouet de manipulation, etc., mais de réaliser que la balle par le fait qu’elle puisse apparaître et disparaître pose le problème ethnique de la permanence, la manipulation réglementée du bac à sable celui de l’orthopraxie, et que tout cela confronte bien sûr l’enfant à la satisfaction et à la frustration.

On aurait tort cependant de se limiter au seul prisme de la diffraction de la rationalité pour faire ressortir tout ce que met en œuvre le jouet analysé ou la situation de jeu considérée. Il est en effet fascinant de voir, en observant les jeunes enfants jouer, la mise en application la plus flagrante des rapports structuraux des identités et des unités, ainsi que de leur projection réciproque en similarité et complémentarité. Trier les bouchons par couleur, comparer les balles de différentes textures, empiler les cubes ou emboîter les plots sont ainsi des pratiques courantes des enfants.

C’est plus particulièrement sur la question de la similarité que je souhaiterais m’arrêter davantage, car elle me semble habituellement mal traitée en ce qui concerne le jouet. La notion de « jeu symbolique », renvoie en effet au concept d’une « intelligence représentative », stade antérieur d’une « l’intelligence opératoire », et donc à l’idée d’une fiction relevant de l’imagination, et l’on dit d’ailleurs souvent des enfants en train de jouer à la marchande ou au chevalier que « cela fait travailler leur imaginaire ». Mais, si l’imagination est bien sûr à l’œuvre, car il n’y a guère de raison pour que l’individu qui joue s’ampute de cette faculté, elle me semble bien moins décisive que sa capacité à trouver de la ressemblance, c’est-à-dire de l’identité partielle, entre différentes réalité. Faire semblant, ce n’est donc pas seulement dire « on dirait que », mais aussi effectuer un geste, vivre une situation et faire des choix qui ressemblent structurellement à une autre situation, ce que je qualifierais de « simulation ». On trouve aujourd’hui pour les enfants des « fruits et légumes à découper », en plastique, en bois, ou en tissu, chacun composé de deux parties qu’un système d’aimant ou de velcro permet de fixer ensemble et qui peuvent alors être séparés par la simple pression d’un couteau de dînette. Sensoriellement, ces objets évoquent par leur forme et leur couleur divers fruits et légumes, et techniquement, la manipulation du couteau de dînette s’approche de l’opération cuisinière du découpage. Il y a donc là une similarité entre l’un et l’autre, mais incomplète, les « faux » fruits et légumes n’ayant souvent ni les dimensions, ni la texture, ni l’odeur, des fruits et légumes auxquels ils ressemblent, tandis que le couteau de dînette ne permet pas, par exemple, de se couper le doigt (et c’est donc en cela précisément qu’il est un jouet, en ce que sa manipulation présente peu de risques).

On pourrait donc voir là ce que Philippe Bruneau appelait un « émoussement », c’est-à-dire une disparition de l’efficacité ergologique de l’objet, qui deviendrait alors un jouet, ce que l’on peut rapprocher de la modalité ludique de Gagnepain en tant qu’absence de réinvestissement. Mais il me semble que c’est là pécher par excès d’historicisme que de voir dans le couteau de dînette un couteau de cuisine privé de son utilité. Au contraire, le couteau de dînette me semble précisément parfaitement efficace sur le plan ergologique, car d’une part sa ressemblance avec le couteau de cuisine, tant dans son apparence que dans la manipulation qu’il permet, d’autre part le fait qu’il ne coupe pas, sont précisément les fins recherchées. De même, le fruit qui ne tâche pas, le poupon qui ne vit pas, le pistolet qui tire mais ne blesse pas, sont d’autres exemples de cette dimension de la simulation en tant qu’utilité recherchée du jouet.

Ces exemples du jeu et du jouet permettent donc à la fois d’illustrer l’intérêt épistémologique du modèle pour le traitement d’un sujet « de société », de présenter une démarche méthodologique particulière et sa mise en application. J’espère avoir montré comment, même pour le non-spécialiste de ces questions, le fait de recourir à divers outils conceptuels proposés par la Médiation permet de construire un discours novateur sur le sujet et de mettre en évidence les écueils de la réflexion actuelle contre laquelle il s’inscrit en rupture. Quant à savoir s’il est politiquement bienvenu de le faire plutôt que de suivre le courant idéologique dominant, c’est une autre question.

Références bibliographiques

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WITTGENSTEIN L., 2004 [1953], Recherches philosophiques, Paris, Gallimard.


Notes

[1Ce terme d’« autocinèse » a auparavant été employé par Vendryès 1942, Vie et Probabilité. Vendryès distingue ainsi l’autonomie, en tant que fait pour l’être vivant de disposer de possibilités, et l’autocinèse en tant qu’usage de ces possibilités.

[2D’aucuns ont d’ailleurs relevé ce caractère particulier du jeu sous le nom « d’autotélisme », en tant que pratique trouvant en elle-même sa propre finalité. Mais faute d’une théorie de la diffraction des plans, cette notion manquait de précision et pouvait laisser entendre, par exemple, une absence de conséquences au plan axiologique : ce qui n’est de toute évidence pas le cas, le jeu se caractérisant au contraire par exemple par la licence de s’y permettre ce que l’on s’interdit par ailleurs, d’où son potentiel effet cathartique (s’il est ainsi, pour de nombreux joueurs, particulièrement jubilatoire de massacrer tout le monde dans un jeu vidéo, c’est qu’ils s’interdisent généralement de le faire en dehors de ce cadre).

[3Cf. infra sur la question de la simulation.

[4Une tendance portée notamment par les travaux de Mihály Csíkszentmihályi, 2004 (1990), repris et popularisés par Jane McGonigal.


Pour citer l'article

Antonin Merieux« De la modélisation au modélisme : l’apport de la théorie de la médiation à l’anthropologie du jeu et du jouet », in Tétralogiques, N°23, Le modèle médiationniste de la technique.

URL : http://www.tetralogiques.fr/spip.php?article96