Romaric Bardet

Agrégé d’Histoire, Docteur en Archéologie grecque. PRAG en Antiquité classique, Université d’Aix-Marseille (AMU). UMR 8167 Orient et Méditerranée (Paris) ; Centre Camille Jullian, Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme (MMSH-Aix)

L’approvisionnement en eau des villes grecques à travers l’exemple crétois : recompositions disciplinaires et étude archéologique

Résumé / Abstract

Retraçant l’historiographie des études sur l’approvisionnement en eau des villes grecques et crétoises dans l’Antiquité, la présente contribution identifie les limites des approches traditionnelles de ce sujet de l’archéologie classique, avant d’exposer les possibilités de renouveler son traitement offertes par les enseignements de l’artistique et de l’archéologie médiationnistes. Questionnant en particulier les pratiques professionnelles pluridisciplinaires, la réflexion conduit à réévaluer, d’un point de vue épistémologique, la place qui est accordée d’habitude aux sciences de la Nature. En outre, et sans négliger l’apport de l’histoire à la compréhension de la gestion des ressources hydriques, elle propose d’approfondir la part des raisonnements de nature proprement archéologique, c’est-à-dire technique : à une archéologie des seuls ouvrages hydrauliques, souvent très descriptive puisque d’intention d’abord typologique, il est question de substituer une archéologie de la production de l’eau potable, archéologie plus globale et complexe mais aussi plus complète.

Mots-clés
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L’approvisionnement en eau des villes est un sujet d’étude ancien de l’archéologie classique en milieu méditerranéen. L’intérêt pour ce thème de recherche, jamais démenti, n’a cessé de se renforcer au cours des dernières décennies sur fond d’inquiétudes relatives à l’explosion des populations urbaines contemporaines et au partage souvent inégal de ressources hydriques, perçues comme limitées. Plus récemment encore, ces inquiétudes ont été alimentées en raison des effets annoncés du réchauffement climatique.

Pour ce qui concerne le monde grec, la bibliographie, désormais importante, compte des références variées. Très tôt, en effet, les archéologues, mais aussi les géographes et les historiens, ont tenté de comprendre les systèmes urbains d’approvisionnement en eau et de gestion de cette ressource à travers l’examen de l’environnement ancien, des vestiges de citernes ou encore de puits et par la lecture des lois sur l’eau votées par les cités-états. Les avancées permises par leur collaboration ou, à tout le moins, par le croisement des données produites par chacun ont peu à peu contribué à installer la pluridisciplinarité comme l’approche la plus adaptée à la compréhension de telles questions. Cette approche professionnelle, qui tient actuellement lieu de méthode scientifique dans les études hydrauliques, se retrouve ainsi dans tous les programmes de recherche récents [1]. Dans ces programmes, en particulier, les évolutions permanentes suscitées par les sciences de la Terre en matière de procédés de prospection géophysique ou d’analyse en laboratoire conduisent à placer en l’intervention de géomorphologues bien des espoirs de renouvellement historiographique, tandis que les archéologues, dans l’attente de fouilles nouvelles, délèguent aux spécialistes de l’histoire des techniques et aux ingénieurs hydrauliciens le soin d’expliquer le fonctionnement des aqueducs et des fontaines [2].

Cette situation est paradoxale en termes épistémologiques. L’extrême spécialisation induite par la pluridisciplinarité, aboutissant à un émiettement des compétences et des connaissances, brouille indûment la nature exacte de l’objet d’étude et masque son unité comme son étendue par-delà les cloisonnements disciplinaires institués. Du point de vue de la théorie de la médiation, l’approvisionnement en eau apparaît exclusivement comme un sujet de sciences humaines, plus précisément archéologique et historique, parce qu’il repose principalement sur le déploiement d’une réflexion et de solutions d’ordre technique, ainsi que sur la mise en place de formes d’organisation sociales aptes à permettre une bonne gestion de la ressource. Il est donc étonnant que, du fait d’une répartition moins scientifique que professionnelle des tâches – répartition qui tient davantage compte de la curiosité et de la formation de chacun que des nécessités épistémologiques –, certains renouvellements récents de la recherche en ce domaine aient été exposés, même utilement et de façon brillante, dans des ouvrages qui relevaient d’abord des sciences de la Nature ou de la géographie physique [3], alors que la possibilité de renouveler la teneur du discours archéologique lui-même ne semble, pour sa part, jamais envisagée.

Cette possibilité s’est imposée comme une nécessité dans le cadre de ma thèse de doctorat. Portant sur l’approvisionnement en eau potable et sa gestion dans les centres urbains des cités grecques de Crète, de leur apparition vers le VIIIe s. av. J.-C. à la conquête de l’île par Rome en 67 av. J.-C. [4], cette thèse a été confrontée aux lacunes d’une documentation bien moins fournie que pour d’autres régions de Grèce. L’intérêt relativement tardif pour l’étude de la Crète au Ier millénaire av. J.-C., qui s’est fait sentir surtout à partir du milieu du siècle dernier, restreignait les données disponibles. Le faible nombre des travaux de géomorphologie, de climatologie ou d’hydrologie anciennes conduits dans l’île depuis quarante ans, comme la rareté des inscriptions crétoises qui abordent les questions hydrauliques [5], limitaient les échanges disciplinaires, si ce n’est pour de rares sites archéologiques, par exemple à Dréros et Lato dans le Mirabello (Crète orientale) ou à Gortyne et Phaistos en Mesara (Crète centrale). Les vestiges, seuls nombreux mais généralement mal documentés [6] à l’exception d’une poignée de citernes et fontaines publiques plus spectaculaires que la moyenne, ne laissaient pas envisager, a priori, de contribution décisive de l’archéologie, nous obligeant aussi à délaisser largement les approches typologiques et statistiques qui guident souvent l’étude de ces aménagements.

Néanmoins, de même que la théorie nous avertissait préalablement des écueils de l’approche pluridisciplinaire pour la juste compréhension de notre objet d’étude, de même, l’application des propositions médiationnistes tirant les conséquences d’une redéfinition de l’archéologie comme science en charge de la technique, de ses produits comme de ses mécanismes rationnels – l’enchaînement d’une fin et d’un moyen, de la chose à produire, ici l’eau, et des divers outils de cette production –, nous autorisait à porter un regard neuf sur la documentation archéologique existante, même limitée et incomplète. Outre la dimension historique du sujet, nous avons ainsi pu poser les bases d’une archéologie de l’approvisionnement plus systématique, parce que préalablement modélisée et utilisant des concepts spécifiquement forgés pour l’analyse des phénomènes techniques par l’artistique et l’archéologie médiationnistes. Identifiant l’ensemble des aspects du processus de production de l’eau, l’étude ne se restreint ni à la simple description des seuls ouvrages dits « hydrauliques », ni, les concernant, à la relève préalable d’un nombre limité d’inconnues documentaires, relève qui n’est, par ailleurs, pas toujours nécessaire ou de nature proprement technique.

Illustrant l’appel de la théorie en faveur d’une vaste recomposition disciplinaire en sciences humaines, la portée des conclusions parfois surprenantes et paradoxales de cette thèse dépasse certainement le seul cas de la Crète. Elles contribuent selon nous, en tous cas, à une meilleure compréhension de la contribution spécifique de la technique à l’efficacité de la civilisation hydraulique urbaine de l’île au Ier millénaire av. J.-C.

1 Écueils de l’approche pluridisciplinaire

Les approches pluridisciplinaires à l’œuvre dans l’étude de l’approvisionnement en eau, devenues incontournables et élevées au rang de méthode scientifique, sont principalement le résultat de la spécialisation toujours plus grande des chercheurs, tandis que leur principal écueil, qui consiste à faire perdre de vue la nature exacte de l’objet d’étude, son étendue réelle par‑delà les cloisonnements disciplinaires ainsi que les visées du discours, est la conséquence de définitions imprécises du rôle de chaque science conviée à l’étude. Si, au vu du partage professionnel actuel des tâches entre disciplines, ces approches présentent un certain intérêt, il ne saurait masquer la nécessité d’une remise en ordre épistémologique.

1.1 Spécialisation des chercheurs ; émiettement des compétences et des connaissances

De plus en plus spécialisés chacun en leur domaine, archéologues, historiens et géomorphologues peuvent ne pas être à même, individuellement, de réunir et de produire de manière satisfaisante l’ensemble des compétences et la masse des connaissances qui semblent requises par l’étude de sujets comme l’approvisionnement en eau, de sorte que leur collaboration paraît aujourd’hui indispensable.

L’archéologue, occupé à la fouille, à l’enregistrement minutieux et à la gestion patrimoniale des découvertes, fait figure de spécialiste de l’étude des vestiges matériels, notamment hydrauliques. L’historien, pour sa part, aborde la question sous l’angle des institutions à travers, principalement, la lecture des textes anciens. Le géomorphologue, spécialiste de sciences de la Terre, identifie les ressources en eau disparues ou invisibles – ancien chenal d’écoulement, nappe phréatique, etc. –, tout en introduisant l’archéologue aux subtilités des mécanismes physiques en cause et aux raffinements des procédés de prospection et d’analyse en laboratoire.

1.2 Nature et continuités de l’objet d’étude

Cette spécialisation et l’émiettement qui en résulte peuvent contribuer à masquer la nature exacte et les continuités de l’objet d’étude.

De ce que le géomorphologue s’appuie sur la géologie et la climatologie pour comprendre l’hydrologie ancienne et déterminer la nature des ressources hydriques, les localiser, préciser leur importance et leur disponibilité, l’approvisionnement en eau n’en devient pas pour autant un sujet de sciences de la Nature. Ces sciences, attachées seulement à la compréhension des mécanismes physiques des phénomènes naturels en cause, n’existaient pas dans l’Antiquité en tant que telles et le besoin comme le raffinement de leurs explications étaient largement inutiles aux Anciens, pour qui seule comptait l’identification de contraintes et d’avantages naturels sur le critère, uniquement technique, de leur utilité et de leur possible exploitation en vue de mettre en place des systèmes d’approvisionnement efficaces et pérennes. Par la fréquentation séculaire de leurs territoires, les habitants des cités crétoises devaient parfaitement en connaître les ressources en eau et, dans le cas où ils devaient en trouver de nouvelles, l’observation quotidienne et le constat de quelques faits simples comme l’infiltration des eaux dans le sol, la plus grande pluviosité des lieux d’altitude ou l’irrégularité saisonnière et interannuelle des pluies, suffisaient à comprendre, empiriquement, que le sol cachait des réserves souterraines qu’il était possible d’atteindre avec leurs moyens techniques, que des citernes pouvaient être construites sur des sites de hauteur dépourvus de sources et que certaines, de plus grandes dimensions, permettraient de stocker l’excédent de précipitations d’un hiver bien arrosé en prévision d’une sécheresse estivale inhabituellement longue. En somme, les Anciens n’avaient besoin de connaître que ce qui était directement utile à la maîtrise technique de la production d’eau ou encore connaissaient ce qu’il fallait en ce qu’ils le maîtrisaient techniquement. Actuellement, dans une situation de compréhension et non plus d’intervention technique, le savoir du géomorphologue se justifie d’abord par la demande de l’archéologue en charge des questions d’approvisionnement. Présent sur le terrain au cours des mois les plus secs et n’ayant jamais à se soucier de trouver l’eau dont il a besoin, ce dernier retrouve ainsi rapidement et plus facilement que par ses propres moyens, dans le temps limité imparti à la recherche, les ressources hydriques que l’empirie avait permis aux Anciens d’identifier et d’exploiter en dehors, même, de toute tentative d’explication scientifique de leur part.

Par ailleurs, en l’absence de transferts d’eau à longue distance assurés à l’aide d’aqueducs avant l’époque romaine, les corrélations entre la localisation de nombreux centres urbains de Crète et celle des principales et des meilleures ressources en eau de l’île – nappes phréatiques exploitées par les sites de plaine, sources et torrents privilégiés des sites de piémont – ne relèvent pas que de la géographie humaine. Elles révèlent d’autres aspects, encore, de la réflexion technique mise en œuvre afin d’assurer l’approvisionnement des villes. Tel un site de hauteur choisi en raison d’avantages défensifs naturels, aménités qu’il suffisait de renforcer, pour produire une défense plus efficace comme à Lato, par quelques constructions militaires disposées aux seuls endroits les plus vulnérables, le choix des sites qui ont accueilli les centres urbains des cités de Crète a été guidé, aussi, par l’examen de leur potentiel hydrique techniquement maîtrisé. Ces choix dépendaient des ouvrages hydrauliques qu’on savait ou pouvait construire, déterminant les solutions de traitement à mettre en œuvre ainsi que la quantité et la qualité d’eau productible. Même les sites de hauteur en apparence les plus arides n’échappent pas à ce constat, puisque c’est, sur un plan technique, l’analyse de la pluviosité favorable d’altitude que suggère, ici, la multiplication des citernes, qui a permis aux populations d’investir massivement de tels sites aux époques de plus grande insécurité.

Relevant davantage de la technique que ne le laissait penser, de prime abord, le recours à diverses sciences conjointement à l’archéologie, l’étude de l’approvisionnement en eau ne se limite pas non plus à l’étude des vestiges, ce que les archéologues formés à la lecture des textes ont maintes occasions de constater. Les sources littéraires et épigraphiques fourmillent, en effet, de précisions d’ordre technique relatives à l’approvisionnement en eau, y compris les documents où l’on s’y attend le moins [7]. À Délos, une inscription trouvée lors de la fouille de la krènè Minoé, au Nord du sanctuaire d’Apollon, fait ainsi connaître l’interdiction de laver quoi que ce soit, de se baigner ou jeter des ordures dans le puits [8]. Cette inscription témoigne de la conscience de quelques facteurs anthropiques de corruption non désirée de l’eau potable, de même que d’autres inscriptions révèlent l’existence de dispositifs de type barrière visant à prévenir les pollutions liées à l’accès intempestif des troupeaux aux points d’eau publics [9].

L’étude de la dimension historique du sujet – usages de l’eau, dynamiques de contrat et de conflit, de partage ou de confiscation de la ressource entre utilisateurs à diverses échelles, au sein de la cité comme entre états voisins, etc. –, tout aussi incontournable que les aspects techniques, offre également l’occasion de constater la nécessité d’un examen de toutes les sources d’information disponibles. Habitué à la pratique des textes, l’historien, lui aussi, gagne à ne pas négliger les vestiges quand la dimension inhabituelle d’une citerne ou la multiplicité des bouches d’une fontaine trahissent l’existence d’un ouvrage public, l’intervention possible des autorités de la cité et l’affluence des porteurs d’eau tout aussi bien qu’une inscription de Gortyne le renseigne sur les modalités du partage de l’eau d’un torrent entre les riverains vivant à l’amont du cours d’eau et ceux établis aux abords de l’agora, qu’il traverse ensuite [10].

1.3 Recompositions disciplinaires

Le cas particulier de l’approvisionnement en eau des villes de Crète fait donc écho au souhait plus général formulé anciennement par l’artistique et l’archéologie médiationnistes en faveur d’une recomposition disciplinaire qui serait guidée par une redéfinition claire de chaque science en fonction de son objet d’étude, de ses méthodes et visées propres.

Distinguant entre sciences de la nature et sciences humaines, la théorie de la médiation rappelle d’abord que si l’objet d’étude des premières n’est pas de soi formalisé par la raison humaine, l’analyse, chez les secondes, consiste au contraire à retrouver l’ordre que cette dernière y a préalablement injecté. Concernant l’approvisionnement en eau, nous avons effectivement pu constater que l’enjeu n’était pas, pour les Anciens comme pour nous, de parvenir à se représenter gratuitement les mécanismes des phénomènes en cause, d’ordre naturel et non culturel, mais de retrouver l’analyse préalable par laquelle certains de ces phénomènes, simples, ont été identifiés sur le critère de leur utilité, puis exploités pour produire l’eau potable.

Ramenant ainsi clairement notre sujet du côté des seules sciences de l’Homme, notamment de l’archéologie en charge de la technique, la Théorie, faisant par ailleurs le constat de la diffraction de la raison humaine en quatre capacités rationnelles – logique, technique, ethnique et éthique –, prévoit également que d’autres plans de rationalité et sciences humaines puissent être parties prenantes de l’étude de tout fait culturel. L’identification de formes d’organisation sociale nécessaires à la bonne gestion de la ressource en milieu urbain confirme en effet que l’histoire, en charge des implications de la raison ethnique, est l’autre science qui se trouve concernée au premier chef par notre sujet, alors que les rapports aux raisons logique et éthique semblent de moindre importance.

Conviées à l’étude en fonction de leurs objets d’étude et visées propres, l’archéologie et l’histoire ne sauraient donc plus être définies, en ce sujet comme en d’autres, par référence à leurs moyens d’observation ou sources d’information les plus prisés, la pratique de la fouille, les vestiges ou la lecture des textes. De même que tous les sujets ont été abordés par les textes anciens, tout est susceptible de se trouver, aussi, parmi les vestiges exhumés sur le terrain. Textes et vestiges ne sont donc que des sources d’information exploitables par l’archéologue comme par l’historien.

Quant à l’approche pluridisciplinaire, elle ne saurait tenir lieu de méthode scientifique. La lecture d’Artistique et archéologie, rappelant quelles sont les méthodes propres à l’archéologie – le raisonnement par ensemble et la mise en série – et à l’histoire – le recours aux témoignages, oraux ou indirects par les textes –, suggère que la pluridisciplinarité n’est, au fond, qu’une façon parmi d’autres d’accéder à l’information ou de s’en répartir la production.

2 D’une archéologie des ouvrages hydrauliques à l’étude de la production de l’eau potable

Intégrant à l’analyse technique des aspects et des informations qui paraissaient ressortir à d’autres sciences ou disciplines et se trouver dans d’autres types de documents que ceux dont elle a l’habitude, l’archéologie est ainsi en mesure de renouveler sensiblement sa contribution à l’étude de l’approvisionnement en eau. Afin de répondre à la seule question, technique, qui lui importe – celle de la production de l’eau –, elle doit envisager cette fabrication dans son ensemble plutôt que de s’en tenir à l’examen des seuls ouvrages hydrauliques et, quand elle les étudie puisqu’elle en a seule la charge, elle doit poser d’autres questions que celles de la relève documentaire.

2.1 L’eau potable, fruit d’une production

L’idée que l’eau destinée à la consommation humaine puisse être le résultat d’une fabrication n’est surprenante qu’a priori pour l’Antiquité. Quelques indices, littéraires et archéologiques, suffisent pour s’en convaincre. Les Anciens ne disposaient pas toujours de l’eau pure des sources, tirée à la fontaine et directement utilisable, les eaux effectivement disponibles pouvant nécessiter un traitement préalable.

Plusieurs œuvres littéraires rappellent, certes, la préférence des Grecs pour l’eau claire et fraîche des sources, leur méfiance vis à vis de l’eau chtonienne des puits et, plus encore, pour celle originellement pure mais devenue stagnante des citernes, dont la consommation n’est conseillée qu’en cas de nécessité [11]. Pourtant, en Crète, la surreprésentation des sites défensifs de hauteur, souvent alimentés exclusivement au moyen de citernes, laisse penser que le recours à ces réservoirs était fréquent. Collectant l’eau des toits mais aussi des ruissellements de surface, potentiellement boueux, ils étaient parfois dotés de bassins de décantation, tandis que des grilles ou des filtres pouvaient servir à empêcher le passage d’autres matières solides, minérales ou végétales [12]. Certains auteurs conseillent de mettre à bouillir l’eau [13]. Sans parler spécifiquement des citernes, Cassianus Bassus, à la fin de l’Antiquité, suggère aussi de tremper du laurier dans l’eau pour la purifier avant de la boire [14].

Ces formes de traitement préalable ne sont pas si différentes de celles qui sont mises en œuvre aujourd’hui dans les stations de potabilisation, où des filtres et des adjuvants chimiques sont utilisés. Les procédés actuels de désinfection par le chlore, l’ozone ou les ultra-violets, par exemple, ne correspondent qu’à un degré supérieur de sophistication d’une réflexion technique comparable. De nos jours comme dans l’Antiquité, l’eau ne nécessite pas seulement d’être captée, stockée et distribuée. Elle doit plus généralement être produite.

2.2 Une production ergotropique

De l’identification de la ressource à sa consommation, en passant par son captage ou encore son traitement, il incombe donc à l’archéologue de restituer une production complexe dans la diversité de ses aspects et de ses étapes, ainsi que l’analyse technique ancienne qui y a présidé. Pour désigner cette production du produit indépendamment de ses répartitions historiques en temps et lieux divers d’une chaîne, la théorie de l’artistique et de l’archéologie utilise le concept d’ergotropie.

S’il n’est répandu que chez les médiationnistes, notons que ce concept trouve un écho dans celui de « chaîne opératoire » utilisé, notamment, par les Préhistoriens attachés à l’étude des industries lithiques, même s’ils confondent, ce faisant, les enjeux techniques des « blocs opératoires » et ceux, sociologiques, des chaînes [15]. De même, l’archéologie classique envisage bien, désormais, la production de la céramique comme le résultat d’une fabrication complexe, fabrication qui comprend la sélection d’un banc d’argile plutôt que d’un autre en fonction des qualités souhaitées du produit final, une première transformation de l’argile en pâte – après lavage, décantation, séchage, puis ajout d’inclusions, de dégraissants –, son façonnage à la main ou au tour, la réalisation d’un décor au moyen d’autres outils – compas, pinceaux, gravoirs – et la cuisson au four, cuisson par laquelle l’argile acquiert ses qualités de résistance mécanique, thermique ou encore d’imperméabilité, tandis que la présence d’agrafes métalliques atteste parfois l’existence de réparations qui prolongent la durée d’utilisation du vase. Ce à quoi il conviendrait d’ajouter que le vase fini devient lui-même l’outil d’une autre production quand il permet, ensuite, la conservation de denrées alimentaires ou, dans le cas de vases de type gargoulettes, le rafraîchissement de l’eau par transsudation d’une partie du liquide à travers des parois laissées volontairement mais en partie seulement poreuses à la faveur d’une cuisson imparfaite [16].

En ce qui concerne les opérations d’entretien des outils et de réparation, que l’on peut définir comme une refabrication différée dans le temps mais qui tient compte du système technique originel [17], elles appartiennent aussi à cette chaîne ergotropique et ne doivent pas être ignorées par l’analyse archéologique. En matière d’approvisionnement en eau, les opérations de curage annuel des citernes et de réfection régulière de leurs enduits d’étanchéité sont de cet ordre. Faisant figure d’interventions anecdotiques, elles relèvent pleinement des techniques hydrauliques et étaient indispensables pour que continue à être produite l’eau de la qualité souhaitée, de même que l’on ne songerait pas à dire que le travail du garagiste n’a rien à voir avec la mécanique automobile ou qu’il n’est pas utile au bon fonctionnement de la voiture.

2.3 Une archéologie du Disparu impossible [18] ?

Bien sûr, on objectera que, pour restituer cette analyse ergotropique de la production d’eau, manque le produit final, bu ou évaporé depuis longtemps, en un mot que cette archéologie du Disparu est impossible.

Cette situation documentaire n’est toutefois pas rare en archéologie classique, où l’étude du meuble comme celle de la Grande peinture grecque doivent se satisfaire de la seule conservation des éléments métalliques ou du reflet partiel offert par la peinture vasculaire à figures rouges athénienne.

De plus, dans le domaine de l’approvisionnement en eau, ce que l’archéologue peut tirer des conclusions du géomorphologue et de la lecture des textes se trouve étayé par la conservation, en l’absence du produit, des outils les plus immédiatement identifiables et les mieux conservés de la production de l’eau que sont les vestiges des citernes, des puits, des fontaines ou encore des aqueducs.

Encore convient-il de préciser comment mieux les étudier, tout en gardant à l’esprit qu’ils n’étaient pas la fin en soi de l’art hydraulique antique, mais seulement des outils de cette production.

2.4 La relève des inconnues documentaires : un préalable insuffisant

Force est de constater que les publications ayant trait à ces aménagements, rares en Crète ou plus nombreuses dans le reste du monde grec, s’en tiennent le plus souvent à la relève de quelques inconnues documentaires, relève en laquelle Artistique et archéologie ne voit qu’un préalable à l’analyse technique, puisqu’elle ne consiste qu’à rétablir la fiche d’ « état civil » de ces aménagements sans être toujours nécessaire selon le cas plus ou moins désespéré du cas.

La relève organique, quelle que soit la procédure employée (restauration, reconstitution ou restitution), n’y concerne que les aménagements les plus spectaculaires, tandis que, du point de vue des opérations de relève historique, le souci de la datation est omniprésent. Pour les opérations de relève industrielle, la question de l’appropriation est fréquente – citernes publiques, domestiques – de même que celle de l’accommodation – matériaux disponibles localement, importés, etc. L’affectation, ou recensement des usages historiquement attestés (e.g. puits désaffecté ayant servi de fosse de rebut), est parfois confondue avec la détermination des types d’ouvrages – puits ou citernes, etc. –, quand leur fonctionnement exact reste incertain ou que leur forme n’est pas déterminante d’un point de vue typologique (puits de recharge, orifice de puisage pouvant désigner en surface un puits aussi bien qu’une citerne, etc.) [19].

S’intéressant en particulier aux marques qu’imprime éventuellement à la technique hydraulique la construction à une époque donnée ou l’identité du commanditaire, les opérations de relève documentaire ne paraissent pas toujours essentiellement techniques. Et, quand l’étude se veut plus technique, le discours est en fait réduit à l’identification des matières premières mises en œuvre, à l’individualisation des unités constructives et à la description de leurs techniques d’assemblage, comme à celle des puits et des citernes en plan, en élévation, ainsi qu’à leur mesure. Ce travail, essentiellement descriptif et d’intention typologique, a pour but principal la datation mais ne contribue pas à faire comprendre comment l’eau était produite à partir de ces aménagements, comme s’il leur suffisait, par une sorte d’évidence, de la stocker.

2.5 Matières premières et matériaux

Pour le comprendre, il convient de s’intéresser plus systématiquement non pas aux matières premières employées dans leur construction, mais de restituer l’analyse qui, sur le critère de leur utilité, en faisait les matériaux de la production de l’eau.

Artistique et archéologie rappelle en effet que, loin d’une physique qui serait purement descriptive, les matières premières se distinguent des matériaux en ce que, par l’analyse technique, les seconds sont la matière première structuralement évidée de ses traits indésirables ou, plus positivement, la matière première sélectionnée en raison de ses traits utiles à la production. C’est cette sélection que les procédés d’analyse en laboratoire doivent contribuer à identifier, de même que, dans le cas de matériaux déjà préparés comme la pâte d’argile, ils montrent comment la matière première a été épurée ou mélangée selon certaines proportions.

Ajoutons encore que certaines propriétés indésirables des matériaux, co-présentes, peuvent être inévacuables. Par ailleurs, certaines qualités, ne se révélant qu’avec le temps – après cuisson, séchage, etc. –, peuvent être qualifiées de propriétés transformationnelles.

Ainsi les roches dans lesquelles furent creusées les citernes grecques et crétoises possèdent-elles, selon la nature du substrat local, des avantages et des inconvénients que les Anciens étaient susceptibles de comparer et connaître. Enterrées, toutes les citernes permettaient de contenir la poussée de l’eau à plein comme celle du terrain à vide et rafraîchissaient le précieux liquide [20]. Toutefois, les citernes déliennes, pratiquées dans le granit, étaient plus difficiles à creuser mais naturellement étanches, tandis que les calcaires crétois, plus tendres mais friables et poreux, nécessitaient l’emploi de revêtements d’étanchéité appelés enduits hydrauliques.

Ces enduits mériteraient d’être plus fréquemment analysés en laboratoire, car leur composition, variable, révèle l’existence de différentes recettes possibles selon les époques ou les régions. En Crète, par exemple, l’hydraulicité des enduits, c’est-à-dire leur plus ou moins grande imperméabilité à l’eau, fut assurée, outre par la chaux déjà présente dans le mortier à base de sable, par l’ajout de tuileau comme pour les citernes hellénistiques de Lato et de Gortyne à l’époque romaine [21], ou de roches volcaniques broyées comme pour celles de l’acropole de Nisi, à Eleutherne à la période hellénistique [22]. Sur les parois, préalablement enduites, d’une citerne logée à la base de la tour Sud-Est du port fermé de Phalasarna, un badigeon supplémentaire d’étanchéité fut même appliqué [23].

Parce que ces matériaux contiennent de la silice et de l’alumine, l’ajout de cendres volcaniques et, dans une moindre mesure, de tuileau provoque des réactions chimiques dites « pouzzolaniques » qui augmentent l’adhérence de la matrice de chaux aux minéraux du mortier, éliminant ainsi les vides pour une plus grande hydraulicité. L’existence de ces différentes façons de faire suggère que les Crétois, à la recherche de la meilleure recette possible, ont eu l’occasion de comparer les avantages respectifs de chacun de ces matériaux et qu’ils étaient parvenus empiriquement aux mêmes conclusions, indépendamment des explications scientifiques que nous en donnons aujourd’hui.

Signalons aussi que l’eau elle-même, premier matériau de l’hydraulique, présente des propriétés qui furent analysées et utilisées telles son écoulement gravitaire naturel ou sa tendance à s’évaporer, qualités utiles ou contraires à son transport et à sa conservation.

2.6 L’étude des dispositifs hydrauliques

De même, plutôt que de décrire les unités constructives des citernes ou des puits, Artistique et archéologie invite à identifier de manière systématique les différents dispositifs dans lesquelles elles se conjoignent selon le critère de leur finalité productive et, d’un ouvrage à l’autre, à comparer ces dispositifs pour comprendre les effets de leur présence, de leur absence, comme l’intérêt de telle ou telle variante.

Par exemple, la décantation des eaux qui parvenaient aux citernes, en Crète, s’effectuait le plus souvent soit à l’amont dans un bassin séparé soit à l’intérieur même de celles-ci, cette option impliquant de réussir à puiser sans risquer d’agiter avec le récipient le fond où se concentraient les boues. En Grèce continentale, dans le sanctuaire d’Asclépios à Argos, sur l’Aspis, ce problème fut réglé d’une manière simple mais ingénieuse. Au centre de la cour, la vaste citerne hellénistique qui recueillait directement les eaux était connectée à un puits distant, spécifiquement construit pour le puisage. Ce puits était relié à la citerne par un conduit d’adduction souterrain, dont l’orifice s’ouvrait 30 cm au‑dessus du fond de cette dernière, au niveau de la limite supérieure de la zone de dépôt, de façon à sous‑tirer la plus grande quantité d’eau claire possible [24].

Le choix de tel dispositif plutôt que tel autre n’est donc jamais anodin. Il révèle, à tout le moins, l’existence de traditions de construction et de savoirs-faire distincts, mais peut-être aussi de préférences conscientes fondées sur l’examen des avantages et inconvénients respectifs des différentes solutions techniques disponibles en matière de production de l’eau.

2.7 Les ouvrages « hydrauliques » : une expression critiquable

Cependant, les différents dispositifs présents dans les puits, les citernes, les fontaines et les aqueducs produisaient l’eau de bien d’autres manières encore, sans parler de la seule question de son traitement. Certains n’avaient même pas toujours pour fin la fabrication de l’eau, mais permettaient d’autres sortes de productions. En somme, de même que, par ergotropie, l’eau était déjà produite avant qu’elle n’y pénètre et continuait à l’être éventuellement après qu’elle en soit sortie, les ouvrages dits « hydrauliques » ne produisaient pas que de l’eau et nous paraissent, pour cette raison, porter seulement en partie bien leur nom.

La révèle, autrefois qualifiée d’industrielle, fournit le modèle d’analyse de cette étude systématique des dispositifs en permettant leur classement sur le critère de leur(s) fin(s), selon qu’ils servent à produire de la force ou facilitent un travail, qu’ils produisent de la représentation, de l’être ou de la décision.

Les dispositifs de production de force sont les plus nombreux dans les aménagements hydrauliques, qu’il s’agisse de la paroi qui contient la poussée des terres dans lesquelles a été foncé le puits, ou encore de la potence et de la poulie qui facilitent le puisage et indiquent que doit encore être prise en compte la manipulation de la corde et du vase lors de la descente puis de la remontée, manœuvres que l’on peut étudier à partir des images vasculaires à figures noires ou rouges athéniennes des VIe-Ve s. av. J.-C.

Concernant également la production de force, l’une des découvertes les plus spectaculaires de la thèse réside, sans doute, dans l’identification de formes de motorisation, contre l’idée encore vivace dans la littérature selon laquelle l’Antiquité n’aurait pas connu de formes d’exploitation de l’énergie hydraulique comme force motrice avant l’époque romaine [25]. Au contraire, l’aqueduc qui achemine seul l’eau par gravité ou la citerne qui reçoit celle qui descend du toit reposent bien sur la compréhension et l’exploitation du phénomène d’écoulement gravitaire afin de faciliter la tâche de l’opérateur. Cette motorisation justifie que l’on parle de véritables machines au sujet de ces réalisations.

La fabrication de l’eau relève également de la production d’être, principalement parce que sa consommation doit favoriser la survie des individus et, si possible, leur bonne santé. On parlera alors de l’eau comme de la production d’un aliment voire d’un médicament, dont il faut assurer la salubrité, freiner la corruption voire l’empoisonnement en limitant son contact avec l’air, la lumière et en évitant que divers organismes n’y tombent ou ne s’y développent.

D’autres dispositifs comme les margelles ou les marches de puits et de citernes assuraient la sécurité de l’usager comme de l’opérateur chargé de l’entretien, en empêchant la chute tout en rendant possible la remontée. De manière apparemment plus abstraite, puits, citernes ou fontaines favorisaient aussi le rassemblement et les interactions, le partage ou les conflits autour de la ressource. Ces dispositifs qui produisent de l’être relèvent des effets induits de la technique, qui ne sont pas neutres puisqu’ils contribuent à façonner les relations sociales au sein de la cité.

La production de décision n’est pas absente, en outre, des aménagements hydrauliques. La direction que le potier imprime au coude de l’aqueduc au moment de son façonnage à l’atelier, comme le tri des matières indésirables qu’effectuent le bassin de décantation ou, en fonction de la taille de la maille, la grille placée à l’embouchure de la citerne, dispensent l’opérateur de décision le moment venu et permettent de parler, cette fois, de formes d’automatisation de l’approvisionnement en eau.

Enfin, la production de représentation recoupe la question du bon ou du mauvais goût, de l’odeur parfois putride, voire de la turbidité ou de la limpidité de l’eau consommée, qualités pour lesquelles les Grecs avaient certaines préférences, comme cela a déjà été dit [26]. Ces sensations pouvaient être produites ou annihilées et divers procédés techniques freinaient, par exemple, le croupissement des eaux dans les citernes. C’est ainsi que l’on peut comprendre l’existence d’un passage qui reliait les deux grandes citernes publiques d’Eleutherne, contiguës, sans doute dans le but de favoriser la circulation interne de l’eau au moment du puisage et du remplissage [27]. Pour les mêmes raisons, l’introduction d’anguilles ou de poissons à l’intérieur des réservoirs était conseillée [28].

***

Parvenus au terme de cet exposé, nous pouvons pleinement mesurer, désormais, l’apport des propositions de l’artistique et de l’archéologie médiationnistes au traitement d’un sujet aussi courant de l’archéologie classique que l’approvisionnement en eau des villes grecques et crétoises.

Ces propositions, notamment épistémologiques, nous ont amené à mettre en évidence les écueils des approches pluridisciplinaires habituelles, qui conduisent, paradoxalement, à masquer les continuités de l’objet d’étude. A contrario, elles ont permis de préciser sa nature exacte en en faisant pleinement un objet des sciences humaines et d’attribuer aux sciences de la Nature, souvent conviées à l’étude, leur juste place.

Outre la dimension historique indéniable du sujet, les concepts médiationnistes qui ont été spécifiquement développés pour décrire les phénomènes d’ordre productif ont abouti à approfondir la contribution de l’archéologie, lui redonnant une place centrale dans le questionnement. Sa redéfinition en tant que science en charge de la technique conduit, en effet, à un renouvellement en profondeur, en particulier parce qu’elle permet de comprendre qu’il ne s’agit pas d’étudier les seuls ouvrages hydrauliques mais de restituer l’analyse technique d’ensemble d’une production plus complexe, celle de l’eau potable, dont bien des aspects paraissent aujourd’hui négligés.

Dans le cas de la Crète, où de nombreuses lacunes documentaires rendaient caduques les problématiques habituelles de traitement statistique et typologique des vestiges, cette approche s’est révélée d’autant plus rentable qu’elle nous autorisait à rendre compte d’une manière nouvelle de la documentation disponible et, ainsi, à illustrer l’apport spécifique de la technique à l’efficacité de la civilisation hydraulique crétoise du Ier millénaire av. J.-C.

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Notes

[1Voir, par ex., le programme pluridisciplinaire « L’eau à Délos » coordonné par M. Brunet (2000-2006).

[2Voir, par ex., Viollet, P.-L., L’hydraulique dans les civilisations anciennes : 5000 ans d’histoire, 2004 (2e éd.) ; Debaste, F. & Haut, B., « Some Elements of the Water Supply System of The City of Perge, in The Roman Imperial Period », dans Kalavrouziotis, I.K. & Angelakis, A.N. (éds), IWA Regional Symposium on Water, Wastewater and Environment : Traditions and Culture, Patras, 22-24 March 2014, publication en ligne (http://wwetc2014.env.uwg.gr/wms/images/e-PROCEEDINGS_v1.12.pdf), p. 135-144.

[3Voir, par ex., Desruelles, St., L’eau dans l’ensemble insulaire cristallin méditerranéen Mykonos-Délos-Rhénée (Cyclades, Grèce) et sa gestion dans la ville antique de Délos, 2004 (thèse de géographie, Paris IV). L’auteur, s’appuyant sur les données archéologiques et un examen poussé du climat, de la géologie et de l’hydrologie de l’île, parvient à rendre compte du fonctionnement complexe de certains aménagements comme la « Citerne du Théâtre » – un puits de recharge –, de même que de la taille de certaines citernes domestiques, dont la capacité permettait de recueillir les pluies excédentaires d’hivers très humides en prévision de la succession possible de plusieurs années particulièrement sèches. L’étude a permis de comprendre comment cette petite Cyclade avait pu accueillir jusqu’à plusieurs milliers d’habitants au début de l’époque romaine.

[4Dir. Al. Farnoux, 2016, Université de Paris-Sorbonne.

[5Ces inscriptions, au nombre de cinq, ont été rassemblées dès 1935-1950 par M. Guarducci dans Inscriptiones Creticae, IV. Tituli Gortynii. Elles proviennent toutes de la cité de Gortyne, située dans la plaine de la Mesara (Crète centrale) : IC IV, 5 (Loi sur les eaux, ca 600 av. J.-C.) ; IC IV, 43 Bb (Loi sur les prises d’eau, déb. du Ve s. av. J.-C.) ; IC IV, 52 A-B (Restes d’un code sur les eaux, déb. du Ve s. av. J.-C.) ; IC IV, 73 A (Loi sur les inondations (?), ap. 450 av. J.-C.) ; IC IV, 165 (Convention entre Gortyne et sa voisine, Phaistos, relative au partage de l’eau d’une source (?), troisième quart du IIIe s. av. J.-C.).

[6Peu fouillées, voire jamais recensées exhaustivement à l’échelle même des sites les mieux explorés, la plupart des réalisations hydrauliques crétoises n’ont fait l’objet que de descriptions sommaires, dispersées dans des rapports non publiés et rarement agrémentées de photos ou de relevés.

[7De nombreuses inscriptions de toutes natures permettent non seulement de préciser les acceptions du vocabulaire technique et architectural grec, mais aussi d’attester l’existence de dispositifs utiles à l’approvisionnement en eau. Voir, par ex., Hellmann, M.-Chr., Recherches sur le vocabulaire de l’architecture grecque, d’après les inscriptions de Délos, BEFAR, 278, 1992.

[8ID 69 A (fin du Ve ou déb. du IVe s. av. J.-C. ; restitution dans Sokolowski, Fr., Lois sacrées des cités grecques. Supplément, Travaux et mémoires des anciens membres étrangers de l’EfA, 11, 1962, n° 50, p. 102-103).

[9Dans un décret de 350-300 av. J.-C., les démotes du dème de Céphise, en Attique, honorent un bienfaiteur pour des travaux entrepris au gymnase et sur une fontaine, cette dernière ayant été enclose au moyen d’une barrière afin d’interdire l’accès aux bêtes (SEG XXXII, 147 et XXXVI, 188, l. 7-8).

[10IC IV, 43 Bb (Loi sur les prises d’eau, déb. du Ve s. av. J.-C.) précise que les prélèvements à l’amont ne devaient pas faire baisser le cours d’eau en dessous d’un certain niveau, que servait à mesurer le pont de l’agora.

[11Hellmann, M.-Ch., « L’eau des citernes et la salubrité : textes et archéologie », dans Ginouvès, R. et al. (éds), L’eau, la santé, et la maladie dans le monde grec, Actes du colloque organisé par le Centre de recherche Archéologie et systèmes d’information (Nanterre) et par l’URA 1255-Médecine grecque, Paris, 25‑27 nov. 1992, BCH Suppl., 28, 1994, p.273-282 (principales références littéraires passées en revue aux p. 274-275).

[12Deux inscriptions déliennes du IIIe s. av. J.-C., en lien avec l’Inopos et son réservoir, utilisent le terme « passoire/ὁ ἠθμός » (IG XI, 2, 199, A, l. 55 ; IG XI, 2, 287, A, l. 75) qui semble désigner, appliqué à l’hydraulique, une sorte de grille placée à l’extrémité d’un tuyau d’adduction. Ces grilles déliennes étaient souvent en métal, en général en plomb, et exigeaient un nettoyage régulier afin d’éviter l’engorgement.

[13Hippocrate, Airs, eaux, lieux, VIII, 8 (à propos des eaux de pluie soumises à la stagnation et à la putréfaction).


[14Cassianus Bassus, Géoponiques, II, 7, 3 : « D’Africanus : le laurier trempé dans l’eau la rend saine  » (trad. J.‑P. Grélois & J. Lefort, Monographies du Centre de recherche d’histoire et civilisation de Byzance, 38, 2012, p. 34).

[15Balut, P.-Y., Théorie du vêtement, 2013, p. 63.

[16De tels vases à eau étaient encore utilisés par les paysans crétois de Mesara vers la fin de l’époque ottomane : Watrous, L.V., Hadzi-Vallianou, D. & Blitzer, H., The Plain of Phaistos. Cycles of Social Complexity in the Mesara Region of Crete, Monumenta Archaeologica, 23, 2004, p. 202. Ils sont connus en Crète dès l’époque romaine au moins : Touchais, G., « Chronique des fouilles et découvertes archéologiques en Grèce en 1977 », BCH 102 (1978), p. 760 (dans une tombe romaine du Ier s. trouvée aux environs de Gortyne). En Grèce continentale, d’autres sont signalés dans des tombes de l’époque mycénienne : id., p. 673 (à Sparte, dans une tombe datée du HRIIIA1).

[17Balut, P.-Y., Ibid., p. 65.

[18Le dernier numéro de RAMAGE, paru en ligne en 2012, est largement consacré à la question de l’archéologie du Disparu.

[19Voir, par ex., Flemming, N., & Pirazzoli, P.A., « Archéologie des côtes de la Crète », Histoire et Archéologie, 50 (1981), p. 66-81 : cas d’une structure du port classique et hellénistique de Phalasarna (Crète de l’Ouest) qui fut creusée dans le roc en bord de mer et dont les archéologues ont, tour à tour, hésité à faire un lieu de stockage de marchandises voire une saline ou, plus récemment, un vivier à poissons ou une citerne d’eau douce destinée au ravitaillement des navires.

[20Cet « effet cave », atténuant les écarts de température qui règnent en surface d’une saison à l’autre, était bien connu : Aristote, Météorologiques, I, 12, 348b : « Mais puisque nous constatons qu’il y a réaction du chaud et du froid l’un sur l’autre, ce qui fait que par temps chaud les parties souterraines sont froides et qu’elles sont chaudes quand il gèle, il faut penser que le phénomène est le même dans la haute atmosphère (...) » (trad. P. Louis, CUF, 1982, p. 33).

[21Taramelli, A., « Cretan expedition, XXI. Gortyna », AJA 6 (1902), p. 101-165 : voir notamment la p. 119.

[22Guy, M. & Matheron, « Les citernes d’Eleftherna », dans Kalapxis, A., Furtwängler, A., Schnapp, A. et al. (éds), Ελευθερνα, II.2. Ενα Ελληνιστικό σπίτι (“Σπίτι Α”) στη θέση Νησί, Réthymnon, Université de Crète, 1994, p. 28-46. Voir, en particulier, la p. 33 : enduits de même type que les enduits de pouzzolane du monde romain.

[23Frost, F.J. & Hadjidaki, E., « Excavations in the Harbor of Phalasarna in Crete : The 1988 Season », Hesperia, 59 n°3, 1990, p. 513-527. Voir, en particulier, les p. 516-517 et 525 : citerne du IVe s. av. J.-C. dont la seconde couche d’enduit fut recouverte d’un revêtement de couleur noire, interprété par le fouilleur comme une sorte de mastic ; l’absence d’analyse ne permet cependant pas d’en préciser la nature.

[24Vollgraff, W., Le sanctuaire d’Apollon Pythéen à Argos. Études péloponnésiennes, 1, 1956, p. 51‑52 ; Roux, G. L’architecture de l’Argolide aux IVe et IIIe s. av. J.-C., BEFAR, 199, 1961, p. 68-69.

[25Voir, par ex., Louis, P., « L’eau dans les techniques en Grèce au temps d’Aristote », dans Louis, P. (dir.), L’homme et l’eau en Méditerranée et au Proche-Orient, III. L’eau dans les techniques, TMO, 11, 1986, p. 7-14 (notamment p. 13-14, à propos de l’époque d’Aristote).

[26Cf. supra.

[27Une explication similaire a été donnée pour expliquer la présence de passages entre les quatre compartiments de la grande citerne publique de la ville sicilienne de Solonte, en Sicile : voir Belvedere, O., Vassallo, St. & Polizzi, G., « Gestione e uso dell’acqua in due contesti urbani di età arcaico-classica ed ellenistica della Sicilia settentrionale : Himera e Solunto », dans Bouffier, S. (éd.), Installations hydrauliques et gestion de l’eau en Méditerranée au Ier millénaire av. J.-C., Actes du IIe Symposium international HYDRΩMED, Palerme, 3-5 décembre 2015 (à paraître).

[28Palladius, Traité d’Agriculture, I, XVII (Les citernes), 2 (fin IVe-déb. Ve.) : « Il conviendra d’y mettre et d’y élever des anguilles et des poissons de rivière, afin qu’en y nageant ils donnent à l’eau dormante le mouvement d’une eau courante.  » (trad. R. Martin, CUF, 1976, p. 22).


Pour citer l'article

Romaric Bardet« L’approvisionnement en eau des villes grecques à travers l’exemple crétois : recompositions disciplinaires et étude archéologique », in Tétralogiques, N°23, Le modèle médiationniste de la technique.

URL : http://www.tetralogiques.fr/spip.php?article95