Hommage à Jacques Laisis (1946-2023)


Notre collègue et ami, Jacques Laisis, nous a quittés le 26 février 2023, à l’âge de 76 ans. Il était Professeur des Universités en Sciences du langage à l’Université de Rennes 2 depuis 1992 et membre du comité scientifique de la revue Tétralogiques. Retraité depuis 2011, il a effectué toute sa carrière au sein de l’U.F.R des Sciences du langage devenue par la suite Département. Il a été le premier assistant de Jean Gagnepain sous la direction duquel il a soutenu une Thèse de 3e cycle en 1971 : « Le vêtement comme objet des sciences humaines. Réflexion sur le concept des médiations et sur son extension au domaine technique », puis une Thèse d’État en 1991 : « Apport méthodologique de la linguistique structurale à la clinique (neurologique et psychiatrique) ». Par ses travaux mais surtout au travers de son enseignement, il a activement participé au développement de l’épistémologie de la théorie de la médiation fondée par Jean Gagnepain, et marqué des générations d’étudiants, comme ses collègues. Nous lui consacrerons le prochain numéro de la revue à paraître en 2024, qui mettra à l’honneur son héritage intellectuel. Pour l’heure, nous souhaitons lui rendre un premier hommage en reprenant notamment des extraits de témoignages qui ont rendu compte de son empreinte.

Penseur stimulant et exigeant, qui pratiquait exemplairement l’indiscipline et cultivait magistralement l’art du paradoxe, Jacques Laisis a en effet laissé une empreinte durable et féconde sur celles et ceux, collègues et étudiants, qui l’ont côtoyé. Il créditait sa propre existence intellectuelle d’une dette inestimable à l’égard de Jean Gagnepain, que la portée épistémologique du propos et de la démarche a toujours inspiré. Ardent défenseur d’un nouvel esprit scientifique cher à Gaston Bachelard, il n’a eu de cesse de débusquer les obstacles épistémologiques qui entravent, jusqu’à aujourd’hui, les conditions d’émergence des sciences humaines. Inlassablement, comme le dit Gilles Le Guennec, il « traquait les pseudo-évidences des rapports à “la substance” et au positivisme. Il nous lègue les ferments d’une pensée dynamique ajustée pour engrener sur le point critique. Ses questionnements épistémologiques nous déconcertaient bien souvent de prime abord pour, très vite, nous lancer à sa suite, dans un sillon nouveau, lui-même labouré avant qu’on ait eu le temps d’y semer quelques mots. Il savait déstabiliser, pour nous engager sur des bases patientes et heuristiques . »

Par l’acuité de son regard, ses phrases ciselées, sa gestuelle appuyant son propos, Jacques Laisis marquait son auditoire, maîtrisant un savoir académique, scientifique et philosophique, mis au service d’une critique ayant pour cadre le modèle de la théorie de la médiation qu’il aura autant contribué à élaborer qu’à diffuser, et au service duquel il s’est intégralement engagé. Il n’a eu de cesse de promouvoir un authentique « gai savoir », singulier et original, « adoptant un style direct, franc, simple en apparence, comme si de rien n’était, puisqu’il s’agissait en effet d’un rien, d’un vide que les références livresques auraient sans doute obfusqué » (Jean-Claude Schotte).

Ses prises de parole, toujours attendues, étaient incisives, précises, stimulantes, parfois lapidaires, mais il savait également céder la place au silence, propice, sinon indispensable, à l’accomplissement réflexif d’une stimulante maïeutique : « pionnier sur une ligne d’horizon qui invitait chacun à la dépasser en se dépassant (…), tu savais si bien laisser les étudiants extraire d’eux-mêmes la pensée qui les nourrirait. Nous partageons l’idée que la Personne permet à notre relation, au-delà de la vie, un autre mode d’existence, où il comptera tout autant et autrement, où demeurera toute notre reconnaissance, toute notre admiration, et toute notre amitié. Et maintenant, au moment où tu sembles nous laisser la parole, il ne nous reste que le silence de l’absence » (Attie Duval, Jean-Claude Quentel et Jean-Yves Urien).


Pour citer l'article

« Hommage à Jacques Laisis (1946-2023) », in Tétralogiques, N°28, Expliquer les crises et mutations de l’éducation et de la formation.

URL : http://www.tetralogiques.fr/spip.php?article227